Khaled Drareni emprisonné : la liberté d’expression condamnée à Alger.

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ÉDITORIAL

Le Monde

Editorial. La condamnation du journaliste à deux ans de prison illustre l’intention du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, de faire taire les partisans du Hirak et de préserver le système tel qu’il est. La France doit en tirer les leçons.

Publié le 16 septembre à 10h47, mis à jour hier à 10h48   

Editorial du « Monde ». Meilleur allié des régimes autoritaires, en Algérie comme à Hongkong, le Covid-19 a étouffé le Hirak. Ce mouvement de protestation spontané, pacifique et exemplaire, qui a mobilisé le peuple algérien contre la dictature pendant plus d’un an, à partir de février 2019, s’est éteint lorsque la pandémie a franchi la Méditerranée. Le virus a réussi là où le pouvoir avait échoué : sagement, les Algériens ont mis le mouvement en veilleuse et sont rentrés chez eux.

Si la société civile s’est pliée au contrat sanitaire qu’imposait la lutte contre l’épidémie, le pouvoir, lui, n’a pas respecté la trêve. Au contraire : il l’a mise à profit pour affiner la répression, cibler les arrestations et isoler les figures du Hirak, qui, d’une certaine manière, étaient protégées par les manifestants lorsque ceux-ci pouvaient se rassembler massivement dans les rues.

C’est le cas de Khaled Drareni, journaliste arrêté le 28 mars, après plusieurs convocations par la sécurité intérieure. Très actif sur les réseaux sociaux et dans les médias indépendants algériens, correspondant de TV5 Monde et de l’ONG Reporters sans frontières, cet homme de 40 ans incarnait la liberté d’information sur le Hirak. Il voyait son rôle comme celui d’un journaliste, pas d’un leader politique.

Un pouvoir obsédé par sa survie

Mais, en dictature, l’information libre est aussi dangereuse que l’agitation politique : il fallait faire taire Khaled Drareni. Sa condamnation en appel, mardi 15 septembre, à deux ans d’emprisonnement pour « incitation à attroupement non armé et atteinte à l’intégrité du territoire national ». Elle est aussi un aveu de faiblesse d’un pouvoir obsédé par sa survie, incapable de dialoguer avec son peuple et enfermé dans un mode de gouvernement autoritaire et répressif.Lire aussi  Le journaliste algérien Khaled Drareni condamné en appel à deux ans de prison ferme

La condamnation de M. Drareni est une très mauvaise nouvelle pour l’Algérie. Elle montre que le régime du président Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, élu le 13 décembre 2019 à l’issue d’un scrutin massivement boudé par la population et aussitôt contesté dans la rue, n’entend pas changer de méthode, en dépit de promesses de réformes. Cet ancien fidèle du président déchu Abdelaziz Bouteflika – lui-même poussé à la démission par le Hirak en 2019 – a tenté de présenter un visage plus avenant et affirmé vouloir tenir compte du message transmis par la mobilisation de la société algérienne.

Mais il apparaît de plus en plus clairement que, mis en place par le système militaro-civil, M. Tebboune n’entend pas le réformer et encore moins le remettre en question, mais simplement procéder à quelques aménagements institutionnels à la marge. Un tel scénario ne saurait s’accommoder de trublions tels que les journalistes indépendants.

La France doit, elle aussi, tirer les leçons de la répression du Hirak et de la condamnation de Khaled Drareni – au micro duquel Emmanuel Macron, alors candidat en 2017, avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ». Dans des interviews accordées à des médias français cet été, le président Tebboune a voulu faire passer un message « d’apaisement » des difficiles relations franco-algériennes et espéré des progrès dans le règlement des questions mémorielles. Paris semble disposé à avancer prudemment dans ce sens. Aussi souhaitable que soit une amélioration du lien entre Paris et Alger, cependant, elle ne doit pas se faire au mépris des aspirations démocratiques du peuple algérien ni de la liberté d’expression.

Le Monde

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