« L’Histoire ce ne sont pas seulement les faits, mais les leçons que l’on tire ».
La probité intellectuelle exige de rétablir la vérité sur les tragiques événements d’octobre 88 en ces temps où le régime et son abrutigentsia excellent dans l’art de falsifier l’Histoire.
Le 5 octobre ne fut ni le « printemps algérien », ni une « révolte pour la démocratie » comme essaient certains milieux de le faire croire à notre jeunesse.
Il y a 33 ans, une manipulation criminelle de l’un des gangs du système provoquait la mort de plus de 500 algériens dont une majorité d’adolescents. Cette manipulation n’était en réalité qu’une répétition à petite échelle de la tragédie de janvier 92 qui allait faucher plus de 200 000 Algériens.
Il y a 33 ans, on a tiré à la mitrailleuse sur des adolescents et on a torturé systématiquement d’autres dans les commissariats et les casernes de la sinistre police politique. Leur seul crime était d’avoir clamé violemment leur aversion d’un système de haggarines. Ces mêmes haggarines qui pensaient manipuler une jeunesse désœuvrée pour assouvir leurs bas instincts de brigands assoiffés de pouvoir, ne savaient pas qu’ils manipulaient une poudrière.
Les manipulateurs dans leur inconscience, donnaient ainsi l’occasion à une jeunesse abandonnée et sans repères, de vomir sa haine d’un régime illégitime qui avait transformé son pays en une vaste prison à ciel ouvert. Et cette poudrière éclatera sur leurs visages hideux.
Sans présent ni avenir et minée déjà par de nombreux fléaux sociaux, notre jeunesse se donnera à cœur joie à détruire ce qui représentait à ses yeux les symboles de la hogra et de la corruption (kasmates et mouhafadhates du FLN, ministères, souks el Fellah, Riadh El Feth…..).
Elle faisait inconsciemment sienne, la citation d’un auteur Outre-Méditerranée : «Dans cette forêt d’injustice que peut faire la cognée du bûcheron ? Ce qu’il faut, c’est l’incendie, le grand incendie». Cette violence inouïe signifiait tout simplement le rejet profond de ce système. Et ce rejet appelait au changement de ce dernier dans sa globalité. Mais, hélas on préféra changer de vitrine.
Ces douloureux événements permettaient également de mettre à nu l’odieux visage de ce régime illégitime, sa cruauté et son échec patent dans sa gestion chaotique du pays. Sa violente réaction à des événements que l’un de ses gangs avait lui-même provoqué nous donnait déjà un avant-goût de ce que nous allions vivre comme horreurs quelques années plus tard.
Des criminels en col blanc pensaient se débarrasser du gang dit conservateur du système en provoquant des émeutes téléguidées. Ils pensaient « réformer » le pays en sacrifiant des enfants, ignorant superbement la sentence de Tocqueville qui disait que «le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer». Car l’Algérie de 88 n’avait pas besoin de réformes, mais d’un CHANGEMENT RADICAL de système.
Je tiens avant tout et à l’occasion de ce douloureux anniversaire, à m’incliner avec émotion et respect devant la mémoire de ces innocentes victimes juvéniles, sacrifiées sur l’autel de prétentions politiciennes criminelles.
Je persiste à dire que la pseudo-ouverture démocratique de l’après-octobre 88 n’était qu’une supercherie. Je n’étais pas le seul à le penser et à l’exprimer. Notre frère Hocine Aït Ahmed, Rahimahu Allah, figure historique de la Révolution et de l’opposition s’interrogeait déjà le 24 octobre 88 : «S’agit-il d’un bluff démocratique destiné, en ravalant la façade, à donner au pouvoir un semblant de légitimité ?».
Tout comme je partage entièrement le constat d’un courageux jeune compatriote journaliste qui disait en 2005 : «L’Algérie est sûrement le seul pays au monde qui pensait pouvoir passer de la dictature à la démocratie avec les mêmes acteurs, qui ne se sont même pas donné la peine de changer de costumes». On voulait décréter une «démocratie» sans démocrates !
Avec le recul, L’Histoire, implacable, a mis à nu l’imposture du 5 octobre 88 et sa supercherie démocratique. 33 ans plus tard, le même système imposé par la force des armes en 62 est toujours là avec sa police politique, ses institutions factices et ses pantins boulitiques faisant fonction de classe politique. Et la grave crise politique de légitimité du pouvoir ne fait que s’approfondir et à laquelle vient se greffer une dangereuse crise économique qui risque de mener le pays, à Dieu Ne Plaise, à une déflagration sociale.
Salah-Eddine SIDHOUM