Invectives, infox et accusations de corruption : après la défaite de l’Algérie face au Cameroun, le match continue

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Les Lions indomptables ont arraché leur qualification pour la Coupe du monde au Qatar grâce à un but inscrit dans les dernières secondes du temps additionnel, éliminant ainsi les Fennecs.

Par Alexis Billebault
Publié le 04 mai 2022 à 18h00 

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Les Lions indomptables célèbrent avec Samuel Eto’o (au centre), président de la Fédération camerounaise de football, leur qualification pour la Coupe du monde au Qatar, suite à leur match gagné contre l’Algérie (2-1) au stade de Blida, le 29 mars 2022. AFP

Insultes, complotisme, accusations de corruption… Les jours passent, mais rien ne semble pouvoir apaiser les tensions suscitées par la victoire du Cameroun face à l’Algérie (2-1), à Blida, le 29 mars : les Lions indomptables ont arraché leur qualification pour la Coupe du monde au Qatar grâce à un but de Karl Toko Ekambi inscrit dans les dernières secondes du temps additionnel, effaçant ainsi la défaite concédée quatre jours plus tôt à Douala (0-1).Lire aussi : Football : Rigobert Song, le pari de Samuel Eto’o pour conduire le Cameroun à la victoire face à l’Algérie

Rapidement, la Fédération algérienne de football (FAF) avait annoncé le dépôt auprès de la Fédération internationale de football (FIFA) d’un recours à propos de l’arbitrage du Gambien Bakary Gassama, coupable à ses yeux d’avoir pris de mauvaises décisions ayant entraîné l’élimination des Fennecs. En attendant le verdict, un flot quasi ininterrompu de déclarations plus ou moins polémiques se déverse dans les médias ou sur les réseaux sociaux.

Le sélectionneur algérien Djamel Belmadi a concentré ses critiques sur Bakary Gassama, se laissant aller à des propos parfois ambigus. « Le voir confortablement installé dans les salons de l’aéroport d’Alger le lendemain du match, en train de boire un café et de manger un mille-feuille… Je ne dis pas qu’il faut le tuer, mais il ne faut pas le laisser tranquille », avait-il ainsi déclaré dans une interview accordée au service presse de la FAF le 24 avril.

Un supposé complot

Des remarques qui ont suscité une vive émotion en Gambie, poussant la fédération locale à déposer une plainte contre lui. « Si ce n’est pas un appel à la violence, cela y ressemble un peu », analyse l’ancien international camerounais Patrick Mboma. « Belmadi a le droit de dire que l’arbitrage est mauvais, mais je ne suis pas d’accord qu’il s’en prenne à la tranquillité de M. Gassama. C’est une sortie de route de sa part » , a aussi estimé le journaliste franco-algérien Nabil Djellit (L’Equipe) sur Canal+.

Si Djamel Belmadi n’a pas publiquement parlé de corruption ni impliqué la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), d’autres s’en sont chargés. Le journaliste Hafid Berradji (BeIN Sports) a accusé cette dernière et Bakary Gassama d’avoir comploté contre la sélection nationale algérienne, en assurant que l’arbitre avait transité par le Maroc avant d’arriver en Algérie afin d’y rencontrer des émissaires de Samuel Eto’o, le président de la Fecafoot.Lire aussi : Football : Egypte-Sénégal et Cameroun-Algérie, principales affiches des barrages de la Coupe du monde

L’ancien international algérien Mohamed Khazrouni a quant à lui affirmé, le plus sérieusement du monde, sur la chaîne privée El-Bilad, que l’humoriste et acteur franco-marocain Jamel Debbouze avait participé à ce supposé complot contre la sélection algérienne, sous prétexte « qu’il vit en France, est influent, connaît le roi Mohammed VI, ainsi que Fouzi Lekjaa, le président de la Fédération marocaine, lequel n’a pas supporté la défaite du Maroc face à l’Algérie au Qatar lors de la Coupe arabe [en décembre 2021] ». Mohamed Khazrouni a même certifié être en possession de preuves attestant de la véracité de ces accusations.

« Des propos complètement irrationnels »

Mais certains Camerounais ne sont pas en reste dans le domaine de l’outrance verbale. Ainsi, Sismondi Barlev Bidjocka, le directeur général de la radio RIS FM, est allé jusqu’à évoquer « un Arabe terroriste sélectionneur nommé Belmadi ». Pour l’instant, ce dernier n’a pas encore répondu à M. Bidjocka, mais certains le pressent de déposer une plainte pour diffamation.

« Il y a des personnes qui tiennent des propos complètement irrationnels, publiquement, sur les réseaux sociaux ou les espaces dédiés aux commentaires sur certains médias en ligne. C’est navrant et regrettable car, à la base, on ne parle de rien d’autre que d’un match de football, certes important, mais d’un match », se désole Patrick Mboma.Lire aussi  Ce qui attend Samuel Eto’o, nouveau président du football camerounais

Cette escalade verbale est aussi propice aux infox et manipulations, comme a pu l’expérimenter Rabah Madjer, le mythique attaquant des Fennecs (1978-1992). « On m’a prêté des propos que je n’ai jamais tenus sur Belmadi. J’aurais dit qu’il manquait de discernement, alors que je ne m’exprime pas sur la sélection nationale. Mais le mal est fait, puisque cette interview imaginaire a été reprise un peu partout, et je dois passer une partie de mon temps à me justifier », soupire-t-il.

Depuis Alger, l’ancien international et sélectionneur Ali Fergani assiste, médusé, à cet interminable temps additionnel. « On lit et entend tout et n’importe quoi, des gens vont beaucoup trop loin. Il faut que cela se calme. Si l’enquête de la FIFA sur l’arbitre apporte les preuves que celui-ci a été corrompu, elle prendra les décisions qui s’imposent. Et si ce n’est pas le cas, passons définitivement à autre chose. »

Alexis Billebault

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