LES MASSACRES DE MAI 1945 EN ALGERIE : UN CRIME CONTRE L’HUMANITE TOUJOURS IMPUNI !

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Abbes Hamadene

Le mardi 8 mai 1945, la France fête dans la liesse et la joie sa libération après la défaite du nazisme et du fascisme.

Le même jour, les manifestations populaires en Algérie sont réprimées dans le sang par les forces de l’ordre et des milices françaises provoquant le massacre de milliers d’Algériens.

Une semaine avant, les Algériens subirent une répression sanglante à l’occasion des manifestations célébrant la fête des travailleurs , le 1er mai 1945.

CONTEXTE POLITIQUE DES MASSACRES DE MAI 1945

La période 1936-1945 est déterminante dans l’histoire de la décolonisation de notre pays. C’est une période qui a élargi le fossé entre l’administration coloniale et la société algérienne. De façon obstinée, la France coloniale rejetait toute proposition de réforme susceptible de mettre en cause la suprématie de la communauté européenne sur les Algériens, suprématie consacrée et institutionnalisée par le code de l’indigénat du 28 juin 1881.

Ce rejet catégorique, l’administration française l’avait de nouveau exprimé en 1936 en faisant échouer le projet Blum-Violette avec ses propositions pourtant très timides.

Dans leur participation à la libération de la France sous occupation allemande depuis juin 1940, les Algériens paient un lourd tribut.

Sur les 150 000 Algériens engagés pendant cette guerre, 16000 ont été tués ou disparus.

En guise de reconnaissance , la France coloniale répond par une répression sanglante et meurtrière qui a commencé dès le 1er mai 1945 !

1er MAI 1945 : LES PREMIERS MARTYRS ALGERIENS TOMBENT SOUS LES BALLES DE LA POLICE FRANCAISE

À l’appel du PPA, des manifestations sont organisées dans 18 villes algériennes. A Alger se tenait la plus grande manifestation qui allait être repartie en 2 cortèges : le premier devait s’élancer de la Casbah, le second de Belcourt pour converger vers la « Grande Poste ».

Les 2 cortèges devaient démarrer à 17h00 avec des consignes claires et strictes : ne porter aucune arme blanche, « même pas une aiguille » et marcher pacifiquement derrière les banderoles .

Au cours de la manifestation, le drapeau algérien interdit par l’administration coloniale est brandi, des slogans sont scandés : « LIBÉREZ LES DÉTENUS », « يحيا الاستقلال Vive l’indépendance »…

Au niveau de la rue d’Isly (Rue Larbi Ben M’hidi), la police coloniale ouvre le feu sans sommation pour empêcher la convergence des 2 cortèges de travailleurs, des mares de sang jonchent les pavés. Un des responsables locaux du PPA, Mohamed Belhaffaf, est tué le drapeau algérien à la main. Trois militants Abdelkader Ziar, Mohamed Laïmèche, et Ahmed Boughmalah sont eux aussi tués par les premières rafales. Dans les heures qui ont suivi le bilan n’a pas cessé de s’alourdir : au moins sept autres militants et sympathisants du PPA ont succombé à leurs blessures auxquels il faut ajouter des dizaines de blessés plus ou moins graves.

Dans le cortège de la Casbah, il y avait Taleb Abderahmane, âgé seulement de 15 ans , il sera le futur artificier de l’ALN et l’un des héros de la bataille d’Alger .

Par cette répression sauvage, l’administration coloniale n’a pas réussi à terroriser l’opinion nationale comme allait le montrer, une semaine après, le soulèvement populaire du 8 mai 1945

LE 8 MAI 1945 : MASSACRE DES ALGERIENS ET PREMICES DE LA GUERRE DE LIBERATION

Alors qu’ils subissaient de plein fouet la famine, la misère, les épidémies, les Algériens furent mobilisés par dizaines de milliers pour libérer la France de l’occupation nazie. Ils ressentirent d’autant plus l’injustice criarde dont ils étaient victimes.

C’est dans ce contexte que les manifestations du 8 mai 1945 furent organisées par le PPA (Parti du peuple algérien) et les Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) pour rappeler à la France coloniale et les alliés anglo-saxons, encore présents sur le sol algérien, les revendications du peuple.

Grâce à la formidable capacité de mobilisation du PPA, des manifestations massives eurent lieu dans toute l’Algérie, sans aboutir à la répression sanglante vécue à Sétif, Guelma et Kherrata.

À Setif, un policier tire sur Bouzid Saal jeune scout âgé de 26 ans, tenant un drapeau algérien, et le tue, ce qui déclenche la colère des manifestants pacifiques.

En guise d’indignation, un mouvement insurrectionnel de grande envergure gagna toute l’Algérie dans les jours qui suivirent ce jour du 8 mai 1945. Une insurrection écrasée, dans le sang et sans état d’âme, par l’armée et des milices déchaînées constituées de civils européens.

L’armée française mobilisa 40 000 hommes dans le «quadrilatère» Bougie-Sétif-Annaba-Souk Ahras. Malgré la répression meurtrière (artillerie, aviation, razzias …) et les moyens colossaux , les manifestations se sont poursuivies au moins jusqu’au 23 mai.

Si du côté français, on a dénombré avec précision 103 morts, du côté algérien le bilan de ces massacres est difficile à établir, les récentes recherches parlent de 40 000 victimes. En définitive, ce bilan désastreux sur tous les plans, marque la rupture définitive entre la France coloniale et la société algérienne.

Le 8 mai 1945 créa les conditions objectives d’une poussée spectaculaire du nationalisme et une accélération de la politisation des masses. Dans ce climat d’effervescence révolutionnaire, de jeunes militants du PPA montèrent au créneau, réclamèrent de leur direction jugée trop attentiste, la création d’une Organisation Spéciale pour préparer la lutte armée. Ce sont eux qu’on retrouvera à l’initiative du déclenchement de la guerre de libération le 1er novembre 1954.

AUJOURD’HUI, L’HISTOIRE CONTINUE

Il y a un lien fondamental entre les diverses luttes menées et les sacrifices consentis pour l’ensemble de notre histoire. Des luttes, au nom desquelles a été projeté l’idéal d’une Algérie libre, démocratique et sociale. Cet idéal a été trahi dès l’indépendance par le clan de Oujda (Boumediene, Ben Bella et Bouteflika) qui a pris le pouvoir par la force en s’appuyant sur la puissante armée des frontières et en menant la guerre contre les maquisards de l’intérieur et les structures issues de la révolution.

Qu’il est triste de constater que 60 ans après l’indépendance, notre pays se retrouve dans une configuration politique et sociale qui rappelle à bien des égards la période coloniale : les citoyens algériens continuent d’être exclus de la décision politique, humiliés, délaissés, opprimés et privés de leur liberté et de leur dignité.

La violence d’Etat continue de fonctionner comme une incurable pathologie caractérisée par le mépris, le mensonge et l’oppression physique et psychologique des citoyens.

Le combat populaire et pacifique engagé le 22 février 2019, s’inscrit bel et bien dans la continuité du temps historique. Il poursuit le combat inachevé pour libérer le pays et le peuple.

L’indépendance d’un pays n’est pas celle qui se résume à un drapeau et à un hymne national, mais celle qui respecte la souveraineté populaire et garantit la liberté, la justice, la dignité et les droits fondamentaux des citoyens.

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