Le diktat des autodidactes 

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Salim METREF

La quête du savoir dans toutes ses dimensions est préconisée dans notre livre Saint. Elle est même une exigence morale pour tout musulman et pour tout être humain. Et il est judicieux de saluer dans ce contexte l’effort actuellement consenti en Algérie par de nombreux parents pour l’instruction de leurs enfants et ce retour incontournable à l’essentiel et au fondamental qui constituent les ressorts de l’ascension sociale. Il existe bien entendu d’autres voies et d’autres clés dans ce contexte mais il faut qu’elles nous soient clairement explicitées. Et en aucun cas débrouillardise, roublardise qui souvent conduisent hélas à la rapine ne sauraient devenir des modèles pour nos petits et se substituer à l’école, aux études, au savoir, au travail et à l’effort seules clés de la réussite. 

Un dicton bien populaire de chez nous prétend qu’il vaut mieux être  intelligent et analphabète que l’inverse,  Faham Allah lakraa,  auquel un autre dicton apporte la contradiction en prétendant que celui qui est instruit ne s’égare jamais, LiQraa matlef . Ces deux dictons induisent en réalité dans l’imaginaire populaire mais surtout dans les faits une lutte féroce entre ceux qui ont étudié et qui savent et ceux qui n’ont pas étudié mais qui savent eux aussi. Ce syndrome a structuré en profondeur et depuis très longtemps en Algérie non seulement les mentalités mais les faits comme le déroulement des carrières puisque souvent un cocktail explosif et dissuasif composé d’un brin de savoir, d’un zeste de parcours académique et surtout d’une franche poignée de relations bien ancrées dans le sérail permettent de propulser les uns  dans les « hautes sphères »  et d’envoyer dans « les cordes » ces naïfs qui pensent et qui croient que les meilleurs diplômes académiques et les meilleures distinctions fussent-elles le Nobel leur ouvriront les portes d’une carrière bien remplie et amplement méritée.  

Si les pouvoirs publics essayent aujourd’hui de remédier à  une situation dramatique qui a provoqué le découragement  et contraint à l’exil le meilleur de nos cadres, le syndrome continue cependant de sévir et d’exister sans occulter les dégâts collatéraux qu’il provoque souvent sans le savoir et sans le vouloir notamment en termes d’image de notre pays à l’extérieur. Ainsi dans certains de nos medias télévisuels, l’image consternante que nous renvoient des émissions au contenu indigent déclamé par des « experts » au bord de la crise de nerfs en est actuellement l’illustration la plus parfaite. 

A titre d’exemple, le déferlement de haine et de propos gratuits mais combien offensants entendus à l’occasion d’un mauvais résultat sportif (qui nous rappelle ce célèbre traquenard tendu à l’époque à un illustre écrivain) nous révèle qu’aujourd’hui et qu’en termes de critiques et de débats contradictoires (souvent peu contradictoires tant l’unanimité des opinions est souvent acquise entre copains avant l’émission), nous en sommes au no limits. 

S’il  est vrai que l’humanité recèle en son sein d’authentiques autodidactes devenus de grandes célébrités, cela est souvent dû à  une grande intelligence, ces personnes disposant en général d’un exceptionnel quotient intellectuel inné que les circonstances de la vie ont contraint à se révéler sur le tard. Ces cas sont connus et ont contribué au développement et à l’enrichissement de disciplines aussi bien scientifique qu’artistiques. Thomas Edison, Bill Gates, Steve Jobs pour ne citer que ceux-là ont abandonné leurs études pour se consacrer à des projets innovants qui leur ont permis de faire fortune parce qu’ils étaient surtout nés extrêmement intelligents. D’autres autodidactes ont marqué l’histoire des arts et de la littérature par la production d’œuvres majeures. Mais ces situations restent exceptionnelles et ne sont pas aussi nombreuses qu’on pourrait le croire. Et nul en l’occurrence ne peut prétendre être un autodidacte capable de «dicter son diktat » en la matière où d’affirmer et d’afficher sa maitrise parfaite d’une discipline quelconque (dans les disciplines scientifiques, culturelles, médiatiques, sportives, …) sans avoir au préalable contribuer à son développement et à son enrichissement par une production pouvant justifier ce statut (livres, thèses,  nouvelles théories scientifiques, brevets d’inventions, …). Ainsi, les  medias n’échappent pas eux aussi à cette règle et acquis académiques mais aussi prédispositions incontournables sont aussi  nécessaires pour ceux qui veulent y exercer leurs talents lorsque ces derniers existent ! 

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