L’Algérie s’apprête à rééditer l’échec Renault avec Peugeot

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Amar Ingrachen
lundi 13 novembre 2017 16:07
http://maghrebemergent.info/economie

 

Alors que la majorité des experts considèrent que les usines automobiles  qui produisent moins 150 000 unités/an sont conçues pour mourir, l’Algérie s’apprête à ouvrir avec PSA une usine pour monter 75 000 véhicules par an.

Peugeot va s’installer en Algérie. C’est officiel.  Pour la partie algérienne comme pour la partie française, il s’agit là d’un grand projet. « La capacité totale de cette usine sera de 75.000 unités/an à terme », a souligné M. Quémard, responsable  de la région Afrique et Moyen-Orient du groupe PSA, en marge de la signature du protocole d’accord portant sur la création de la société PCPA.  La même source a indiqué aussi qu’il s’agit d’un investissement de l’ordre de 100 millions d’euros en précisant que le capital de la société est réparti selon la règle 51/49% avec, côté algérien, 20% pour l’entreprise nationale de production de machines-outils « Algérie-PMO Constantine », 15,5%pour le groupe privé Condor  et 15,5% pour Palpa Pro (un opérateur pharmaceutique algérien), et 49% pour PSA. M. Quémard a, par ailleurs, expliqué que le taux d’intégration sera, à terme, de 40%. En somme, rien de nouveau par rapport à ce qui a été dit concernant le projet Renault qui, économiquement, s’avère une farce de mauvais goût.

De la fausse alerte à la fausse réforme

Il y a quelque mois, l’éphémère ministre de l’Industrie et des Mines, Mahdjoub Bedda, a évoqué la possibilité d’arrêter « les projets relevant de l’industrie automobile » car, a-t-il précisé, « le taux d’intégration de l’activité d’assemblage et de montage de véhicules n’a pas atteint le niveau souhaité ». Plus alarmiste, il a qualifié ces projets d’importation déguisée ». Ces déclarations ont donné naissance à un débat houleux sur l’industrie automobile et ont, dans la foulée, conduit à la mise en place d’un comité d’experts pour réformer le cahier des charges relatif au secteur.  Entre temps, tout discours officiel sur l’automobile, a été suspendu. « Jusqu’à ce que le nouveaux cahier des charges soit prêt », a-t-on expliqué. Mais, depuis, aucune nouvelle. Par contre, on vient nous annoncer  en grandes pompes l’installation de Peugeot en Algérie sans nous préciser si cela se fait dans le cadre de « l’ancien cahier des charges » tant décrié ou « le nouveau » dont, visiblement, personne ne parle.

Recommencer l’échec « Renault »

Le secteur de l’automobile a été présenté par le gouvernement comme une locomotive de la relance industrielle. C’est à travers ce secteur qu’il entend mettre fin au caractère mono-exportateur de l’économie algérienne et la diversifier. Toutefois, cette « ambition » a vite été contrariée par le terrain tant les conditions d’un décollage industriel sont encore loin d’être réunies. Le constat est aujourd’hui amer : le tissu industriel  balbutie, la sous-traitance n’existe quasiment pas, les véhicules « fabriqués » en Algérie coutent presque le double de leur prix sur le marché international, les intrants qui aliment « l’industrie automobile » sont importés à plus de 90%, le nombre de postes d’emploi crées ne dépasse pas les 1000, etc. Toutes ces données illustrent parfaitement l’échec du projet d’industrialisation par le secteur automobile.  Cette industrie s’est, bel et bien, avérée une « importation déguisée ». Mais le Gouvernement Ouyahia ne semble tirer aucune leçon de cet échec. Au contraire, il semble trouver un malin plaisir à le reconduire.

Le fond du problème

Pour qu’une usine automobile soit viable et génère une plus-value, certaines conditions sont indispensables, entre autres, la taille de l’usine et le taux d’intégration des véhicules. Or, les usines mises en place en Algérie sont de tailles trop petites pour qu’une quelconque intégration  ou aptitude à l’exportation soit possible. Plusieurs experts industriels et économistes ont alerté sur ce handicap.

« Pour amortir l’investissement dans la phase tôlerie-peinture-cataphorèse, il faut produire entre 150 000 et 200 000 véhicules/an. Ensuite, la mise en place des équipements nécessaires pour cette phase coûte environs 160  millions d’euros. Or, pour l’heure, la première usine, Renault, espère atteindre, au mieux, 60 000 véhicules/an, ce qui la place dans l’impossibilité de s’engager dans la phase tôlerie-peinture-cataphorèse, sans quoi elle risque de travailler à perte. Autrement dit, « elle est condamnée à faire du montage», nous explique également M. Chahboub, expert industriel.  Même chose pour Peugeot qui, avec 75 000 véhicules/an à terme, n’atteindra que la moitié du volume nécessaire pour qu’un amortissement des investissements à consentir dans l’emboutissage soit possible.

De son côté, Samir Bellal, économiste, considère que  « les usines automobiles installées chez nous, sont conçues pour mourir par ce qu’elles ne produisent pas assez pour être compétitives ». « Elles n’ont  pas été conçues pour être compétitives, mais juste pour satisfaire le marché local. Pour être compétitive, une usine automobile doit produire au moins 150 000 véhicules par an, voire le double dans certains cas. Il n’y a aucun intérêt à installer une usine qui produit 30000 ou 60 000 véhicules/an », affirme-t-il en soulignant que  « ce type d’usine ne fait que pomper les ressources en devises du pays » et qu’ « une usine automobile n’a d’intérêt que si elle destine l’essentiel de sa production à l’exportation ».

1 COMMENTAIRE

  1. M. Quémard, responsable du groupe PSA pour la région Afrique et Moyen-Orient, nous informe que le taux d’intégration de l’usine sera de 40%, sans omettre bien sur de rajouter et de préciser – à terme-. Que faut-il en déduire ?
    D’abord, on ne nous explique pas ce que veut bien dire le concept de « taux d’intégration ». On sait qu’un taux est un rapport entre deux grandeurs définies, connues et qu’il est généralement exprimé en pourcentage. Quelles seraient donc ces deux grandeurs pour le taux d’intégration, j’imagine par exemple qu’au numérateur on retrouvera le coût total des dépenses engagées localement (en dinars) et au dénominateur le coût global de production (dinars+devises), sans oublier que dans les coûts considérés comme locaux il y a aussi des sorties de devises chez les sous-traitants et qu’il faudrait donc exclure des coûts locaux (Dinars) et remettre dans le coût global. Par ailleurs si nos coûts en interne sont anormalement élevés (gaspillage, déchets excessifs, inflation, faible taux de productivité etc..), ce défaut et cette mauvaise gestion fera paradoxalement monter le taux d’intégration (puisque le numérateur sera anormalement élevé) et tout le monde sera heureux.
    Outre le flou qui entoure la définition de ce concept et la maitrise des éléments qui le compose, ce Monsieur nous avertit que le taux de 40% sera atteint à terme, c’est-à-dire dans un futur indéterminé, peut-être jamais.
    En fait, comme le précise à juste titre l’auteur de cet article on recommence l’expérience de Renault qui est un échec certain en espérant un autre résultat. Albert Einstein avait dit : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. »

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