Quand les naissances tournent au cauchemar

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Maternités

Quand les naissances tournent au cauchemar

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El watan le 04.08.17 

A Djelfa, puis à Blida, des parturientes sont décédées. En attendant les résultats de l’enquête, la colère et l’incompréhension s’installent. Reportages dans quelques maternités du pays, qui prouvent que le cas de Djelfa pourrait se reproduire n’importe où et à n’importe quel moment.

Mercredi 26 juillet : une femme enceinte de 23 ans décède à Djelfa après le refus de plusieurs établissements de santé de la prendre en charge. Cette semaine, une autre femme est également décédée à l’hôpital de Blida après son transfert de la wilaya de Médéa.
Pour l’affaire de Djelfa, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a indiqué qu’immédiatement après la survenue des faits, le ministre du secteur, Mokhtar Hasbellaoui, a dépêché sur place une commission d’enquête constituée de trois inspecteurs et d’un professeur en gynéco-obstétrique chargés de faire toute la lumière sur tous les aspects administratifs et organisationnels.
«Toute personne ayant fait preuve de négligence et de laisser-aller dans cette affaire sera sévèrement sanctionnée à la lumière du rapport définitif que remettra la commission d’enquête, et ce, parallèlement à l’action en justice en cours». Le rapport et les résultats de l’enquête ne sont toujours pas rendus publics et les investigations sont en cours.
La direction de la santé de la wilaya de Djelfa dit avoir pris des mesures d’urgence en suspendant le personnel médical au niveau des trois hôpitaux responsables de ce drame, en attendant les conclusions des enquêtes médicale et pénale. En attendant que la lumière soit faite sur ce scandale, c’est beaucoup de panique et peu de remords qui règnent dans plusieurs services de maternité dans le pays.
A Mascara, l’ensemble des professionnels de la santé que nous avons rencontrés ont évoqué les termes de négligence et de non-assistance à personne en danger dans certains cas de mortalité maternelle enregistrés ici et là dans les services de maternité des établissements publics hospitaliers de la wilaya.
D’autres, dans leur majorité des praticiens spécialistes, imputent le problème des cas de la mortalité maternelle, malgré les efforts déployés par le personnel médical en matière de prise en charge de la santé de la mère et de l’enfant, à l’absence d’une «coordination entre les différentes structures de la santé» et à la «mauvaise gestion des gardes et astreintes.»
Au chef-lieu de la wilaya, le service de maternité de 60 lits dépendant de l’Etablissement public hospitalier (EPH) Meslem Tayeb, inauguré par l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, le 17 juin 2015, reçoit un nombre important de parturientes que sa capacité ne peut accueillir, et ce, en débit d’un déficit flagrant en personnel médical et paramédical. «Les services maternité des Etablissements publics hospitaliers (EPH) de Ghriss, Sig, Mohammadia, Tighennif et Oued El Abtal, au lieu de prendre en charge les patientes sur place, les orientent, dans un état déplorable, vers notre service déjà surchargé», nous révèle une sage-femme dont nous tairons le nom.
Coopération
«Même certaines cliniques privées implantées dans le territoire de la wilaya, après des complications survenues à l’accouchement, n’hésitent pas à acheminer leurs patientes et leurs bébés vers notre structure», témoigne une praticienne en gynécologie de la maternité de Mascara.
En 2016, cette nouvelle structure médicale a enregistré 7253 accouchements dont 5350 accouchements normaux et 1903 autres accouchements par césarienne. «Depuis le début de l’année en cours, le personnel médical de la maternité de l’hôpital Meslem Tayeb a réalisé 3783 accouchements dont 2552 accouchements par voie basse et 1231 accouchements par césarienne», nous dit-on.
«Le nombre d’accouchements enregistré au niveau de la maternité de Mascara est en nette augmentation, alors que les conditions de travail continuent de se dégrader à cause du manque du personnel médical nécessaire», nous relate une jeune infirmière qui déplore le déficit en matière de gynécologues, d’anesthésistes-réanimateurs, de généralistes et de sages-femmes dans cette maternité.
Ce déficit en personnel médical et paramédical se répercute négativement sur la qualité de la prise en charge des patientes venues des quatre coins de la wilaya et d’autres localités des wilayas limitrophes, à savoir Relizane, Tiaret, Saïda et Sidi Bel Abbès. Les maternités des établissements publics hospitaliers des autres régions, pour des raisons inconnues, refusent de prendre en charge les patientes.
Elles les orientent tout simplement vers la maternité du chef-lieu de la wilaya. «Plusieurs cas de femmes en détresse emmenées par leurs familles aux services des maternités des hôpitaux des régions limitrophes, au lieu d’être prises en charge sur place, ont été purement et simplement orientées vers notre maternité. Certaines parturientes ont été transportées dans des conditions sanitaires déplorables», témoigne une sage-femme de la maternité de Mascara.
Selon le Dr Moumen Aboubakr Seddik, délégué du Conseil de l’Ordre médical, «nombreuses sont les patientes qui sont transférées d’une structure à une autre dans des véhicules particuliers dans un état affligeant et de façon anarchique, sans dossier médical, sans lettre d’orientation et sans transport médicalisé.» Et d’ajouter : «Il faut revoir le système des gardes, du transport médical et de la prise en charge médicale.
Ainsi, il est nécessaire de coordonner les efforts humains et matériels pour une bonne prise en charge des urgences.» De son côté, une gynécologue de la maternité de Mascara nous a signifié : «On n’a pas été formés pour tuer des gens. Notre mission, l’ensemble du personnel médical, est d’aider les femmes à mettre de nouvelles vies au monde.»
Professionnels
Devant cet état de fait, les personnels de la santé déplorent le manque de professionnalisme et réclament le renforcement des services en personnel paramédical et médical pour une meilleure prise en charge des patientes.
Et c’est encore la panique à Tlemcen. Les gynécologues et les sages-femmes du service public de la ville vivent, ces temps-ci, des moments difficiles suite au drame de Djelfa. Mais, en vérité, les difficultés sont quotidiennes dans un secteur où les pouvoirs publics ont privilégié les infrastructures sur le facteur humain. Il serait donc injuste de tout mettre sur le dos du personnel médical et paramédical en cas d’accident survenant aux patientes. Dans certaines maternités – à de rares exceptions –, le service en question est fortement débordé : c’est devenu quasiment une évidence que de voir des parturientes allongées à même le sol, deux nouveau-nés par lit…
Et, automatiquement, les boucs émissaires sont les sages-femmes, victimes de préjudices moraux. «Nous sommes souvent victimes de harcèlement moral pratiqué par nos responsables et d’insultes et de menaces proférées à notre encontre par les parturientes et leurs familles. Nous travaillons sous pression permanente, car dans cette ambiance d’hostilité et de manque de moyens, il peut y avoir d’erreurs.
Mais, ce qui est sûr, c’est que nous travaillons honnêtement et sans rechigner.» Lors d’un congrès, le docteur Iles a souligné que «la profession de sage-femme est l’une des plus à risques d’accidents, d’exposition au sang.» Propos confirmés par le Pr Benhabib et le Dr Battahar, deux spécialistes sur lesquels repose le service de l’Etablissement hospitalier spécialisé (EHS) de Tlemcen. Pour sa part, Le Pr Meziane, du CHU de Tlemcen, a indiqué que la manipulation de différents produits d’hygiène fragilise la barrière cutanée et génère des dermites à l’origine des allergies cutanées et respiratoires. L’EHS reçoit des patientes des 53 communes de la wilaya et des wilayas du sud-ouest du pays. «Nous avons choisi ce métier tout en étant conscientes des risques.
Le problème, c’est que les citoyens nous imputent tout en cas de désagréments, alors que tout le système de santé est malade. Nous, nous sommes au front, donc les premiers à être descendues en flammes. Que tout le monde sache que nous exerçons notre métier avec amour, bravoure et humanisme, sans autre considération», confient des sages-femmes». Les statistiques mentionnent qu’il y a une sage-femme pour 900 femmes, ce qui illustre parfaitement que ces professionnelles de la santé subissent une trop forte pression due à la surcharge de travail.
«Cette surcharge, de surcroît accomplie dans des conditions parfois inconfortables, est l’un des facteurs à l’origine de l’épuisement professionnel», selon M. Benosmane, psychologue au CHU de Tlemcen. Ces diverses contraintes ont conduit la sage-femme, pour éviter toute erreur médicale, à mettre en place son propre mode de protection : l’accouchement par césarienne. «Ce mode d’accouchement par césarienne est pratiqué à la moindre suspicion de la souffrance fœtale», indique une sage-femme.
A titre d’exemple, la maternité de Maghnia, ville de plus de 200 000 habitants, qui reçoit, en plus des parturientes des communes limitrophes, enregistre une moyenne de 25 naissances par jour. Pour revenir à l’EHS de Tlemcen, selon la direction du complexe «Mère et enfant», «près de 103 237 consultations (dont 26 254 consultations chirurgicales d’urgence), 38 428 échographies et 317 450 examens de laboratoire ont été effectuées sur des parturientes durant l’année 2016».
Pour ce qui est de l’oncologie médicale, d’après la même source, «3385 consultations (dont 81 malades admises), et 639 cures de chimiothérapie ont été réalisées durant la même période. Cette unité d’oncologie gynécologique, composée de 6 lits d’hospitalisation conventionnelle (pour la chimiothérapie), est supervisée par 3 oncologues, les Dr Ghourzi et Daïm, et du Pr Ouali». Mais ce personnel, dévoué quoi que l’on puisse en dire, ne peut donner que ce qu’il a. Et tant que les effectifs demeurent réduits et que les moyens manquent cruellement, l’ambiance de suspicion entre les parturientes et les sages-femmes les erreurs perdureront…
A M’sila aussi 
La situation est aussi compliquée à M’sila. «Sans spécialistes, ni ambulance, ni équipements adéquats, les femmes parturientes de M’sila, au-delà des heures de travail, sont orientées principalement sur Sidi Aïssa. «Quel est le nombre de morts que le ministre de la Santé compte atteindre pour réagir et affecter des gynécologues à la maternité de M’sila pour atténuer la lourde charge que continue à subir la maternité de Sidi Aïssa?» C’est le cri de détresse d’un mari qui accompagnait son épouse à cette maternité de M’sila.
Dans cette ville, deux femmes qui étaient sur le point d’accoucher sont décédées depuis le début de l’année. Au moment de reportage, le scandale de Djelfa n’avait pas encore éclaté. Comme Djelfa, il en a partout et la détresse des femmes qui accouchent, souvent non admises est quotidienne.
Docteur Dhiafet Nacir, gynécologue, président de l’ordre des médecins de le région de Sétif, qui regroupe les wilayas de M’sila, Bordj Bou Arreridj et Setif, après le dénonciation de la convention avec 02 autres confrères ,a déclaré à El Watan Weekend « qu’il n’a jamais cessé de prendre du service à la maternité, après la dénonciation de la convention, et pas plus tard qu’aujourd’hui (12 avril), j’ai intervenu à la maternité de Slimane Amirat à 05 heures du matin pour une femme se trouvant dans un état grave représenté par la rupture utérine. Idem pour le jour d’avant, également tôt le matin, j’ai fait intervention chirurgicale pour une femme dans un état grave. » Et d’ajouter «  on a consenti tant d’effort pour s’éviter la paralysie de cette structure de sante maternelle, qui vit une situation tragique, ne disposant pas de tableau de garde, auquel les spécialistes des établissements publics refusent de s’y conformer. Même la tentative du DSP pour la confection d’un tableau de garde au niveau du chef lieu n’a pas abouti.
Désarroi
Présentement cette structure se caractérise par un état d’expectative des autorités locales et l’égarement des citoyens qui sont dispersés aux 04 vents. » Abondant dans le même sens, Mr Abdelouhab Mekki, gynécologue privé, qui a été conventionné avec la maternité Slimane Amirat, a déploré l’état actuel de l’établissement en indiquant «  qu’elle est dans une situation de chao, il n’y a pas de garde, les patientes sont renvoyées, et que je ne me mettrais jamais dans la peau d’un citoyen qui endure une situation identique. » L’autre problème évoqué par Mr Mekki, est le problème d’affectation de spécialistes dans le cadre du service civil.
M’sila est négligée, du fait de son classement erroné . » Les femmes parturientes se présentant à la maternité Slimane Amirat de M’sila ,se trouvant dans une situation d’urgence ,d’accouchement ou d’examen gynécologique ,n’ont plus le droit à une prise en charge en la matière au-delà des heures de travail Elles sont renvoyées , systématiquement avec leurs propres moyens et le risque que cela comporte vers des services de Sidi Aisa ,Boussaâda ,que certains citoyens n’acceptent pas de se déplacer alors sur ces lieux, alors que c’est qui M’sila chef lieu de wilaya. Combien y a-t-il de femmes qui se sont présentées dans la nuit à la maternité Slimane Amirat pour accoucher, et n’ayant pas pu être prises en charge, se sont trouvées expédiées Chahin caha dans les pires conditions vers la maternité de Sidi Aissa ? S’interrogent des pères de familles qui ont vécu des situations similaires .
D’autres femmes, par contre, dépourvues de tout moyen, refusent de partir sur Sidi Aissa, ou Boussaâda demeurent sur les lieux, gémissant des heures durant pour contenir l’acuité de leur douleur, et espèrent un miracle.
C’est le cas de cette femme qui devrait subir une césarienne, ne pouvant ni aller ailleurs, ni payer 70.000 DA le tarif d’une césarienne dans une clinique privée n’a eu son salut qu’à un bienfaiteur qui a fait appel au chef de sureté de wilaya, qui est intervenu pour ramener d’autorité un gynécologue privé, qui a délivré séance tenante la pauvre femme Hamid, citoyen M’sili qui, ayant vécu l’amer expérience du renvoi de sa femme le 10 mars dernier , a ramené sa femme à la maternité aux environs de 19 h50 ,elle, qui était en proie à des douleurs atroces ,et devrait, selon la recommandation du médecin généraliste , subir une opération de césarienne, a été expédiée vers Sidi Aissa sans aucune prise en charge de sa femme par le maternité de M’sila « Il n’y a dans cette maternité ni radio, ni échographie, ni ambulance, ce médecin, avec tout le risque que cela comporte, a tempêté Hamid vous expédie, dans les profondeurs de la nuit en compagnie d’une patiente , qui ,allongée sur la siège avant ,dans le noir ,une silhouette ,étouffe ses douleurs qui la terrassent sans relâche.
La dénonciation de la convention liant les gynécologues privés à la maternité Slimane Amirat de M’sila , a été à l’origine de la perte de la vocation de cet établissement en tant que structure de santé maternelle et infantile, ne dispensant que sommairement des soins et surveillances médicales (01 gynécologue) , le gros du flux est renvoyé vers d’autres services de maternité créant la surcharge du volume de travail à l’instar de Sidi Aissa, qui a enregistré mort de 02 femmes jusqu’au mois d’avril.
Gestion
Les consultations générales et gynécologiques qui étaient respectivement en 2016 de 34600 et 2866 en 2016 sont réduites à néant, et c’est cette proportion de la population dont 80%, est indigente, ne se permettant d’accoucher dans des cliniques privées. Population éparpillée aux 04 vents, notamment les services de maternité de Sidi Aissa et Boussaâda, qui sont dotés chacun de 03 gynécologues et couvertes entièrement en matière de garde, et M’sila qui n’est couverte depuis peu que de 20%, et ce, avec l’avènement d’une deuxième gynécologue à Slimane Amirat depuis le mois de mai dernier.
Dans la semaine du 01 au 09 mars, pas moins de 182 patientes venues de différents lieux de la wilaya, principalement de M’ sila, ont été admises à la maternité de Sidi Alissa. Le déficit de gynécologues à la maternité Slimane Amirat de M’sila, est tellement important, a fini par alourdir grandement le volume de travail que devra supporter inlassablement l’équipe de spécialistes à la maternité de Sidi Aissa.
D’aucuns dirons que la situation dramatique que vit la maternité de M’sila, relève de la responsabilité du ministère de la santé de la population et de la reforme hospitalière, eu égard à son rôle déterminant dans la gestion à bon escient de la ressource humaine. Laquelle gestion , du moins pour M’sila, chef lieu de wilaya, semble être boiteuse par le fait que la population de cette ville n’a pas le même droit que tout le monde en terme de justice pour l’accès à la santé .
Preuve en est les textes réglementaires notamment les décrets exécutifs ayant trait à l’accomplissement du service civil pour les praticiens médicaux, dans lesquels M’sila est classé à la troisième catégorie, Autrement dit les spécialistes devront passer 03 ans de service civil , chose que les praticiens médicaux répugnent ,et préfèrent un service civil le plus court possible.

Le hic ,est que M’sila, se trouvant dans la zone des hauts plateaux, à l’instar de Djelfa ,Laghouat et d’autres wilayas des hauts plateaux …,n’est pas classé comme ces wilayas steppiques qui sont à la catégorie 02,deux années de services civil pour les spécialistes ,mais à la catégorie 3,et les spécialistes doivent passer 03 années de service civil. C’est la raison pour laquelle M’sila est désertée par les praticiens médicaux, notamment les gynécologues, dont le déficit actuel a fait sombrer la maternité dans l’inconnu.

Abdelouahab Souag, Chahredine Berriah, Ghellab Smail, Nassima Oulebsir

1 COMMENTAIRE

  1. Le DRS algérien a lancé un « slogan » il y a quelques années de cela et qui perdure encore plus que jamais de nos jours de nos jours …
    « Adha ch’ab, il ne vaut rien, ce n’est pas un peuple, les algériens c’est des ceci c’est des cela » etc etc.
    En amoindrissant ainsi la valeur du peuple jusqu’au au raz du sol, il se donne toute la légitimité de lui faire ce qu’il veut.
    facile, ???
    Le pense t il !!!
    Les oligarques du pays pensent que ça y est le peuple est parterre ???!!!
    Une situation plus que nucléaire arrive sur l’Algérie elle est silencieuse, inodore, transparente ….. Mais quand déclenchement il y aura, au niveau ce sera cosmique ………
    Je parle essentiellement de vengeance croyez moi ou pas des centaines de ce « cha’b pourri » comme les gens de la sécurité et de la gestion de l’état aiment à le dire en france devant leurs maitres sont pret à se rendre JUSTICE.

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