1 أبريل 2020
Maître Noureddine Ahmine le 31 mars 2020 @Facebook
Le 25 septembre de l’année écoulée, un collectif d’avocats – pas moins de 15 – s’est retrouvé à la cour de Tipasa , pour assister l’opposant politique Karim Tabbou devant la chambre d’accusation de la dite cour, suite à l’appel de l’intéressé contre l’ordonnance de sa mise en détention rendue par le juge d’instruction près le tribunal de Koléa, en date du 12 du même mois. Le jour même, cette chambre a rendu sa décision, dans laquelle elle a annulé l’ordonnance en question, tout en retenant en lieu et place un contrôle judiciaire très strict, à la limite de l’abus procédural caractérisé (1).
Malgré les restrictions contenues dans la décision de la chambre d’accusation, un soulagement immense a envahi l’ensemble de l’entourage de l’opposant, notamment sa famille et le collectif d’avocats. Malheureusement, la joie fut de courte durée, car le lendemain matin, les mêmes services (services de sécurité intérieure) se sont présentés chez lui pour l’arrêter une deuxième fois. Comme par hasard cette fois-ci, Il a été présenté devant le tribunal de Sidi M’hamed et le parquet de cette instance judiciaire, a retenu contre lui pratiquement les mêmes faits et les mêmes chefs d’accusation (2). Mais contrairement au reste des détenus du Hirak, la justice algérienne a préféré l’isoler en l’enfermant à la prison de Koléa.
Le commencement de la confirmation de l’arbitraire !
Après avoir passé 5 mois et 7 jours en détention, dans l’isolement quasi total, qui par chance pour notre compatriote trouve du soulagement par les visites récurrentes des avocats, le jour « J » fut arrivé. Celui du jugement programmé pour le 4 mars. Le théâtre des événements, le tribunal de Sidi M’hamed. Sans rentrer dans les détails de cet événement historique, le prononcé a été renvoyé pour la date du 11 mars. En cette date précise, le tribunal a rendu sa décision dont la teneur est la suivante : “حكمت محكمة سيدي أمحمد حال فصلها في قضايا الجنح حكما علنيا حضوريا وجاهيا، ابتدائيا بإدانة المتهم طابو كريم بجنحة المساس بسلامة وحدة الوطن بإعداد ونشر فيديوهات عبر مواقع التواصل الاجتماعي، الفعل المنصوص والمعاقب عليه بالمادة 79 من قانون العقوبات، وعقابا له الحكم عليه بسنة حبس منها ستة أشهر حبس نافذ وستة أشهر موقوفة التنفيذ وخمسون ألف 50.000 دينار غرامة نافذة. – التصريح ببراءته من جنحة التحريض على أعمال العنف بقصد الإضرار بالدفاع الوطني.”
Quand bien même la sentence était difficilement digérable, le fait qu’il serait libérable après une semaine du verdict, donnait un sentiment de soulagement immense. Donc tout le monde attendait avec impatience le jour de sa libération le 26 du même mois et les appels formulés par les parties concernées (prévenu et parquet), ne pourront en aucun cas la freiner. Pour rappel, l’appel de l’opposant politique Karim Tabbou a été interjeté le 18 mars 2020. Sauf que finalement le vrai cauchemar ne fut que commencer !
Le 24 mars, le jour de l’horreur !
Cette journée a connu un affolement sans précédent de la défense et pour cause, la présentation de l’opposant politique Karim Tabbou devant la chambre pénale de la cour d’Alger, sans quelle soit mise au courant. Tout le monde se posait la question suivante : Est-il possible qu’un tel événement survienne ? Dans l’incompréhension totale, un bon nombre d’avocats a pris la direction de la cour pour prêter assistance à l’intéressé, si vraiment l’information était avérée.
En effet, le Procureur Général de la cour d’Alger a pris la responsabilité d’enrôler l’affaire Karim Tabbou en catimini devant la cinquième chambre de la dite cour, le 24 mars, malgré la teneur de la note 0001 du 16 du même mois, émanant du ministère de la justice, relative à la prévention de la propagation de l’épidémie du coronavirus. La suite des événements, le communiqué du collectif d’avocats, donne les précisions suivantes :
« … avec une rapidité déconcertante, le militant politique Karim Tabbou a été extrait de la prison de Koléa pour être présenté devant la chambre pénale N° 05 de la cour d’Alger. Cela est arrivé le même jour, c’est-à-dire le 24 mars 2020, avant la fin des délais d’appel. » (3)
« … le militant politique Karim Tabbou s’est accroché avec force à son droit à la défense, chose que le juge lui a refusée sans aucun fondement et contraire à la Constitution et la loi, tout en s’obstinant à l’obliger de se soumettre de force au procès. (4)
Devant l’insistance du président de l’audience de le juger coûte que coûte, (…) et après avoir subi une effroyable pression, un malaise l’a mis à terre et il a perdu connaissance. Devant cette situation, le président a ordonné la levée de l’audience et l’évacuation de Mr Karim Tabbou à l’infirmerie de la cour.
Une fois que ces événements furent portés à la connaissance du collectif d’avocats, celui-ci s’est rapidement dirigé vers la cour pour s’enquérir du déroulement des évènements. Le collectif a tenté de voir leur client ou au moins de connaitre son état de santé. Après quoi, une délégation d’avocats est allée au bureau du procureur général, Mr Sid Ahmed Mourad, pour se renseigner mais ce dernier a refusé de la recevoir ou de l’informer sur l’état de santé de son client.
Le président de la chambre, Hamzaoui Mohamed Assabaa, a rouvert l’audience et a réitéré avec insistance son intention de reprendre l’audience le même jour sans la présence de l’intéressé Karim Tabbou, qui se trouvait à l’infirmerie dans un état catastrophique. En raison du manque d’informations le concernant, le collectif d’avocats a insisté sur la nécessité de ramener son client Mr Karim Tabbou devant la cour, car il est inadmissible de juger un citoyen détenu sans sa présence et sans le confronter aux faits retenus contre lui, sauf dans des cas prévus par la loi, comme le jugement à distance.
Après avoir présenté cette demande, le président n’a trouvé d’autre argument pour contredire le collectif d’avocats que de donner la parole au procureur général (5) qui n’a exprimé aucune réaction. A la suite de quoi , le président a une fois encore levé l’audience, tout en nous informant qu’il allait examiner la possibilité de ramener Mr Karim Tabbou ou non et après 20 minutes environ, le président a rouvert l’audience en surprenant tout le monde, par la lecture du prononcé de l’arrêt : ” considéré contradictoire (6), la cour confirme le jugement objet de l’appel et le réformer en ce qui concerne la peine qui devient une année ferme…” »
Le jour suivant, 25 mars 2020, après avoir pris contact avec le secrétariat du greffe du tribunal de Sidi M’hamed, pour retirer une copie du jugement objet de l’appel, des membres du collectif d’avocats ont été informés par le greffier que le jugement en question n’était pas prêt. »
Pour revenir à la première affaire, après avoir requalifié les faits du crime de participation à une entreprise de démoralisation de l’armée ayant pour objet de nuire à la défense nationale (art. 75) au délit d’incitation aux entraves ayant pour objectif de nuire à la défense nationale (art. 74) et le délit de porter atteinte à l’intégrité du territoire national (art. 79), le juge d’instruction du tribunal de Koléa a renvoyé cette affaire devant le tribunal. Une fois que l’affaire a été enrôlée, cette instance l’a renvoyé pour la date du 6 avril courant.
Laghouat, le 31 mars 2020
Maître Noureddine Ahmine
Membre du collectif d’avocats de Karim Tabbou
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1 – Articles 123 et 123 bis du code de procédures pénales.
2 – Article 1 paragraphe 3 du C P P: toute personne ne peut être poursuivie, jugée ou punie, deux (2) fois, à raison des mêmes faits, même pris sous une qualification différente.
3 – Article 418 du C P P : l’appel est interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé du jugement contradictoire.
4 – La Constitution : les articles 157, 158, 168 et 169.
ـ Code de procédures pénales : article premier, articles 430, 334 , 350 et 212, 379 suivront.
– Article 14 du pacte international des droits civils et politique, ratifié pa l’Algérie.
5 – Le Procureur général a évoqué dans son communiqué l’article 347, un article qui n’est pas applicable aux prévenus détenus.
6 – l’arrêt