LE « DÉMOCRATE NON-PRATIQUANT »

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🔴🔴 Il a le « gh » bien appuyé quand il oublie de rouler les « r ». Il aime la « modeghnité », la cultughe », la « démocghacie »…

À Alger, il ne fréquente pas les cafés « populaires », trop bruyants pour lui, trop sales. Leur café ne lui plaît pas. Il n’est pas assez « ghaffiné », ce n’est pas de la grande marque.

Il préfère plutôt les « salons de thé », les terrasses bien discrètes de quelques endroits réservés aux adeptes de la « chicha » où l’argent est maître à bord.

Ces endroits, il les aime particulièrement. C’est là où il peut discuter « démocghatie », « ghévolution » avec des gens cultivés, au détours d’un « aghticle » lu sur El Watan, le « joughnal » attitré de toute cette société de nantis.

Bien sûr, il lui arrive de connaître des « joughs » sans. « Aloghs », il fait avec. Mais, pas comme tout le monde, surtout pas comme tous ces pouilleux qu’il voit dans la rue confier aux murs les secrets de leurs désillusions.

Pour lui, manifester dans la rue est juste un accident de « paghcours ». Quand ces accidents se multiplient, il y a toujours une voix en lui qui lui rappelle le « confoght » du « had tnin! », cette « musique qui marche au pas », comme dirait Bassens qu’il lui « aghive » d’écouter du bout de l’oreille, juste pour montrer que lui aussi a accès à la culture savante, la « cultughe », celle qui fait que lui n’est pas comme tous ces sous-hommes qui aiment écouter Moh Sghir jouer l’un de ces préludes dont il a le secret.

Le « démocrate non-pratiquant » ne pratique rien, n’aime rien, n’a goût à rien. Il passe son temps à faire semblant…

À Paghis, quand il lui aghive d’y aller pour quelques jours ou pour quelques années, il aime faire le bobo de service.

Des fois, il lui arrive de vociferer  » La Fghance est un pays raciste ! », « pays des dghoits de l’homme, mon œil ! », « non à l’ingéghence dans les affaighes algéghiennes ! »…

Mais, il ne dira jamais, par exemple : « Vérité et justice pour Ali Mécili ! ». Il ne s’élèvera jamais contre la connivence de deux raisons d’État, celle de l’ancienne puissance colonisatrices et celle d’un régime militaire porteur du syndrome du colonisé, pour empêcher l’émergence d’une Algérie nouvelle, plurielle, diverse, profondément humaine, démocratique et ouverte à toute construction d’un ordre mondial des peuples.

Pour lui, la « ghévolution », c’est sur la terrasse d’un café sentant l’Amical des Algériens en France ou, à défaut, ces « milieux algériens » que ne fréquente que les « initiés », autour d’un pot.

Que des militants ou des journalistes soient mis en prison, que des sites d’information soient bloqués par une mesure d’inquidition ministérielle, que les plus gradés des portes-galons multiplient les errements et les humiliations à l’égard de son pays, il s’en fout pas mal.

Surtout, ne lui parle pas de « gheligion ». Il n’aime pas. Lui, c’est le laïcard primaire qui peut te faire pousser une barbe de salafiste sur le visage rien qu’à t’entendre dire « B’ism Llah » ou « hamdou Llah » quand tu avales une gorgée d’eau.

Après, il peut te voir prendre un pot de bière si tu veux. Mais, ton demi ou ton quart de vin ne peuvent rien à l’affaire. Ton portrait robot de salafiste est déjà fait. Il te collera à la figure à perpétuité !

Que tu fasses la prière ? Tu en es « libghe ». Mais, fais-le pour toi et, surtout, fais ta prière. Car, pour le « démocrate non-pratiquant », tu es fini au moment où tu dis « Allahu akbar »!

Qui peut savoir ce qui se trame dans la jugeote d’un « démocrate non-pratiquant »?

Pour lui, régime militaire, État, pays, patrie, l’ordre, le désordre… c’est la même chose !

Sous la casquette invisible d’un « démocrate non-pratiquant », c’est la bouillabaisse au goût de la chekchouka !
Hacène LOUCIF.

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