LA DERNIÈRE DEMEURE

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  Abdellah CHEBBAH                                                           Nov. 2020

Le cimetière est l’ultime demeure de l’homme. De cet endroit, il ne sera plus entendu, ni vu. Il sera mort pour toujours. Ne subsistera qu’un nom écrit sur une tombe.

Dans mon pays, même les morts ne sont pas épargnés. On les enterre dans la douleur, on se les rappelle comme un souvenir et finalement, ne les visitant plus, on les oublie.

Il y a certes, des morts qu’on oublie avec le temps mais aussi ceux qui ne sont pas morts, qui resteront éternels dans la mémoire des vivants. Le traitement de leur enterrement et de leur deuil est différent. Les vivants leur réservent des priorités. Pour certains, des cimetières de ‘’luxe’’ dans un carré de martyrs, bien entretenus. Des épitaphes plus longues pour glorifier leur vie par un passé glorieux, un acte héroïque ou humanitaire. C’est les vivants qui en décident suivant les conjonctures et les conjectures du pays. Pour ceux-là, les cimetières sont protégés, ne sont visités que par occasion ou par une date symbolique, mais rappelés souvent dans des discours et des anecdotes. On essaye de les maintenir en vie pour l’histoire.

Pour les oubliés qui n’ont ni privilèges, ni référent, ni un passé glorieux, ni héroïque, on les enterre vite sans commémoration formelle, ni discours, dans des cimetières populaires où les plantes sauvages, les détritus, les affaissements de tombes mal entretenues sont ignorées. A peine la Fatiha pour leur rappeler des torts laissés derrière eux pour les vivants. On leur reproche toutes sortes de choses comme si cela dépendait uniquement d’eux. Pourquoi ont-ils laissé derrière eux un vide, un désespoir, des enfants, un peuple, parfois un héritage, une ‘’dette’’ que ces vivants doivent payer? C’est dire que la mort donne un sens à la vie. Ceux-là, il faut vite les enterrer pour les oublier car on ne pourra plus les sentir.

Il y a aussi les humbles, les grands, les admirables, les plus aimés, ceux qui ont laissé pour consignes d’être enterrés parmi les leurs, dans leur région natale. Ils veulent restés dans l’intimité des leurs sans être commémorer, ni oubliés. Ils veulent un enterrement de famille.

Dans ce pays riche, aux crises multidimensionnelles, une hiérarchie des morts existe selon les vivants. Il y aurait donc une autre ‘’crise’’ celle des cimetières, des morts.                           

On garde en mémoire ceux qui ont marqué une présence et on oublie ceux qui ont été présents par leur sagesse, leur devoir accompli, leur dévouement.

L’histoire est souvent écrite par les vainqueurs et les puissants. Pour les peuples, elle se fait, elle ne s’écrit pas. Toute la différence est là. Celle du devoir.

Pour ceux qui ont fait l’histoire de l’Algérie, où qu’ils soient enterrés, qu’ils reposent en paix et que dieu leur accorde la miséricorde.

Allah Yerham Echouhadas, martyrs de la révolution.  

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