Quand nous ne marchons pas, c’est que nous courrons.

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Ghania Mouffok

 Ce vendredi la police est sous nos fenêtres, elle nous attend. Nous ne viendrons pas, nous ne sommes pas des imbéciles, nous savons nous taire quand la mort nous encercle, nous savons aller à l’essentiel quand vous nous convoquez toujours à l’accessoire. Nous ne viendrons pas, mais tous ces frères, ces fils, de bleus vêtus, casqués, bottés, jetés dans les rues parfois sans masque, et sans rien à manger puisque tout est fermé, témoignent de votre peur plus que de la nôtre. Ne vous inquiétez pas, nous ne viendrons pas, nous savons que comme un bourdon nous sommes dans vos têtes et que nous chantons, des chants de combat. Ce ne sont pas vos bâtons que nous craignons mais votre absence à nous protéger.

Ni du chômage, ni de la misère, ni des patrons milliardaires, ni des virus, ni de la prison que vous ouvrez comme si les corps que vous y jetez, pour un mot, une liberté prise, vous appartenaient. Ne vous inquiétez pas, ce vendredi, le peuple ne viendra pas, il ne sera pas là dans son infinie sagesse pour défaire cet état abimé que vous maltraitez en nous insultant, nous le porterons sur nos épaules, nous continuerons à défendre les services publics, dans les hôpitaux, les écoles et même dans les commissariats et les casernes. L’état algérien, c’est ce peuple abandonné qui le protège car il y tient.

Rappelez vous quand l’été 62, les chefs de la révolution se disputaient le pouvoir, ce sont les paysans qui ont fait les labours, inventé l’autogestion pour nourrir la nation.

Rappelez vous quand, 58 ans plus tard, vous poussiez un homme mort, c’est encore le peuple qui est sorti pour défendre la survie d’une nation, vous défendre et vous protéger de vos démons. Hier, il marchait, aujourd’hui il ne marchera pas, exactement pour les mêmes raisons. Vous nous devez tant que vous ne pouvez rien pour nous, et ça, malheureusement, nous le savons. Du haut de vos absences à quoi pensez vous quand vous nous déclarez coupables de troubler l’ordre public, de ne pas respecter les gestes barrières, alors qu’on en meurt sans ambulance ?
Si nous courons comme des damnés, dans tous les sens, du matin et même le soir, c’est parce que ce sont nos corps qui sont les digues de ce que matin et soir vous défaites, nous faisons notre boulot de peuple gardien de la République algérienne, populaire et démocratique. Nous courrons pour un savon, une seringue, un vaccin, un respirateur, un boulot, un peu d’argent devant des postes vides, nous courrons pour que nos enfants aillent à l’école et devant nos hôpitaux encore nous courrons, nous courrons pour du pain et des jeux, nous courrons, nous rions et nous pleurons.

Nous tenons nos promesses même si nos cœurs sont blessés. Et vous, qui parlez tant, quelles sont donc vos promesses à part le deuil d’un peuple ?

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