La torture au temps du Hirak : le cas Sami Dernouni.

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PAR AW · AVRIL 7, 2021

A.T., Algeria-Watch, 7 avril 2021

Le procès en appel du détenu Sami Dernouni est programmé pour le 12 avril 2021 à la cour de Tipaza (3e chambre). Jugé le 9 mars 2021, il a été condamné à deux ans de prison pour « incitation à attroupement », « atteinte à l’unité nationale » et « atteinte à la sécurité nationale ». Chômeur et militant du Hirak, ce père de trois enfants est âgé de trente-huit ans. Dernouni a des antécédents médicaux : il a survécu à un grave accident de la route où il a perdu deux côtes et subi de graves brûlures à la main.

Il a été interpellé le 2 décembre 2020 vers 14 heures à son appartement situé à Tipaza, par des éléments en civils relevant probablement de la DGSI (1). Ces individus armés de fusils d’assaut ont fouillé l’appartement de fond en comble, laissant un grand désordre derrière eux. Conduit d’abord à l’unité de la DGSI de Tipaza, Sami Dernouni a été interrogé durant deux heures. Il a été ensuite transféré au CTRI de Blida (principal centre de la police politique dans Ire région militaire, fameux lieu de tortures et de disparitions forcées pendant les années 1990 (2)), où il est resté 24 heures. Il y a subi la première agression physique durant son interrogatoire : il a été battu à coups de chaise en fer et a reçu deux décharges de Taser (pistolet à impulsions électriques) à la jambe et au cou.

Le 3 décembre 2020, Sami Dernouni a été transféré au Centre principal des opérations (CPO), le « Centre Antar », autre caserne de sinistre réputation relevant de la DGSI, localisée à Ben-Aknoun, où il a subi durant quatre jours des tortures physiques et psychologiques. Dès son arrivée, il a été accueilli par plusieurs agents de la DGSI qui l’ont battu, lui ont craché dessus et insulté de manière indécente et violente.

En plus des coups, des crachats et injures, Dernouni a subi la torture par l’eau. Alors qu’il était ligoté, les agents lui ont fait porter un pull en laine mouillé et lui ont fait passer la nuit à l’extérieur, alors que les températures étaient glaciales à Alger. Il a encore subi des décharges de Taser durant la première et la deuxième journée de torture. Cette exposition prolongée aux impulsions électriques a causé une arythmie cardiaque dont il porte encore les séquelles.

Durant la troisième journée, Dernouni a été attaché par les pieds et les mains aux barreaux de sa cellule durant plus de huit heures. Il a été ainsi battu sans arrêt, jusqu’à en perdre connaissance. Durant toutes ces séances de torture, l’interrogatoire par les agents de la DGSI a porté principalement sur ses liens avec des militants du Hirak ainsi que sur son activité dans les réseaux sociaux. Ces agents lui ont même proposé de rejoindre leur service comme élément infiltré. Sami Dernouni a quitté la salle de torture au cours de la quatrième journée de détention au CPO, le 6 décembre 2020, pour une salle d’interrogatoire. Pendant plusieurs heures, les agents ont alors tenté, sans succès, de lui extorquer des aveux ou de l’amener à faire des déclarations compromettantes.

Durant ces quatre jours de tortures, Sami Dernouni a été privé de nourriture et d’eau. Reconduit au CTRI de Blida le 7 décembre, il a été auditionné le même jour par le juge d’instruction à la cour de Tipaza. À l’issue de son procès, Sami Dernouni a été placé en détention à la prison de El-Harrach, où il fait face depuis à de nombreuses pressions et provocations ainsi qu’à des tentatives de soudoiement de la part de la police politique.

1 DGSI : Direction générale de la sécurité intérieure relevant du ministère de la Défense nationale, actuellement commandée par le général Abdelghani Rachedi. Police secrète politique du régime.
2 Voir Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum, Algérie, la machine de mort, octobre 2003.

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