Le 117e vendredi du hirak : une nouvelle étape de la révolution du sourire

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Ait Benali Boubekeur

Le régime se rend compte, après 116 semaines de manifestations pacifiques, qu’il faudrait demander des autorisations. Si le problème de légitimité ne se posait pas, le régime serait dans son droit d’appliquer les lois en vigueur. D’ailleurs, quand cette illégitimité n’avait pas été soulevée par le peuple algérien, le régime régulait la vie politique à sa convenance. Malheureusement, c’est de là que se sont découlé tous les problèmes. Un pays qui avance est celui où les contre-pouvoirs sont une réalité.

De toute évidence, cet affolement est dû à l’approche du scrutin législatif. Le régime ne veut pas acter sa défaite. Bien qu’il valide les résultats, et ce, quelle que soit la participation, le régime tente de jouer à fond la carte sécuritaire pour étouffer le hirak. Car, si le hirak est muselé, le régime trouvera une autre explication à la défection populaire lors du rendez-vous électoral du régime, le 12 juin 2021.Ainsi, dès le 116e vendredi, et sous prétexte que les manifestants ont évité les barrages de police –la police a pris fait et cause pour la mafia, alors que dans un État de droit, elle pourra être davantage respectée –, le « ministre » de l’Intérieur a sauté sur l’occasion pour interdire les manifestations. Désormais, il est demandé au hirak –un mouvement populaire de contestation, qui s’est soulevé contre les dérives du régime, de formuler des demandes d’autorisation des marches au niveau de chaque wilaya.Cet avertissement a été mis en exécution le mardi dernier à l’occasion de la marche des étudiants et dès la matinée du 117e vendredi de la révolution du sourire.

Sur tout le territoire national, il y aurait au moins 600 arrestations. À Alger, les violences policières ont atteint des niveaux alarmants. Pourquoi donc cette répression si le pouvoir considère que le pays a tourné la page de l’ancien régime ? Dans la réalité, ce n’est pas la première fois que le régime se trahit. En tout cas, cette pratique répressive porte bien la signature de l’ancien régime.

En tout état de cause, pour la grande majorité du peuple algérien, le changement de régime n’est qu’un discours que le régime rabâche depuis des années. D’ailleurs, depuis le 22 février 2019, les Algériens tentent pacifiquement de reprendre le contrôle des institutions, usurpées par le régime depuis 1962. Hélas, pour toute réponse, le haut commandement militaire a changé quelques têtes au sommet de l’État. En se contentant de remplacer Bouteflika par Tebboune, les Algériens ont compris la manœuvre qui consistait à changer la façade pour ne rien changer au fond. C’est la raison pour laquelle le mouvement du 22 février 2019 réclame toujours le changement effectif. Enfin, pour sortir en février 2019, le peuple algérien n’a pas demandé l’autorisation. Quand le pays est mené à l’abattoir, on ne demande pas l’autorisation de dénoncer le crime contre la nation.

Et si le peuple avait demandé l’autorisation de manifester, Bouteflika ne serait jamais parti. Hélas, pour Tebboune et ses parrains, ce hirak est pensé comme un instrument permettant l’alternance clanique. Ils se trompent lourdement, car le hirak est sorti pour un changement de fond. En tout cas, il n’a pas vocation à résoudre les crises internes du régime. Et dès le départ, tout le monde savait que les intérêts que procure l’exercice du pouvoir sont tels qu’il faudrait une grande résilience.

À ce titre, l’après 117e vendredi constitue une étape encore plus alambiquée. Il appartient au peuple algérien de retrouver les ressources nécessaires pour poursuivre son combat d’honneur, dans le pacifisme et l’esprit civilisé.

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