De l’impotente et inquiétante insouciance du régime d’Alger dans un monde en transes guerrières

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intellectuels4Par SAAD ZIANE

Dans un grand journal occidental, le patron d’une petite entreprise pétrolière dit son désarroi au sujet de la chute des prix du pétrole et se prend à souhaiter une bonne grosse guerre pour que les affaires reprennent. « Les prix vont-ils finir par remonter ? Quand ? Est-ce qu’un grand conflit peut naître entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient et les faire bouger ? Je n’arrive plus à y voir clair. »

Photo D.R.
Photo D.R.  Groupes armés libyens

Le fait que l’auteur de ces propos soit le patron d’une petite entreprise pétrolière – et donc à priori sans grande influence – ne devrait pas être rassurant. La baisse des profits des grandes compagnies est assez significative et il faut craindre que dans les bureaux lambrissés des super-magnats du pétrole on décide de dégainer une «bonne guerre » pour remédier à cet insupportable écrémage des bénefs.

A ce niveau, on est loin du souhait du petit entrepreneur pétrolier. Les entreprises «impériales » sont à même d’exiger de «leurs Etats » – au sens patrimonial puisqu’ils font partie de leurs portefeuilles – des mesures énergiques pour que le pétrole reprenne le prix «désirable ».

Le marché, chez ces gens-là, n’est bon que quand il les arrange. Et un pétrole trop bas, ne les intéresse pas, un pétrole trop haut, ils peuvent s’en accommoder mais ils doivent aussi tenir compte des autres détenteurs d’actions dans la SPA des Etats occidentaux.

Le cynisme n’est même pas permis. Ceux qui sont au pouvoir chez nous ne doivent jamais oublier que cela n’arrive jamais qu’aux autres et que la « bonne grosse guerre » comporte un pourcentage non négligeable de possibilités pour qu’elle soit allumée chez nous.

Dans l’absolu, les logiques sanglantes des empires ne nous serviront jamais même si cela entraîne une hausse des prix du pétrole qui permet aux décideurs de ronfler et de perpétuer la redistribution de la rente.

L’ordre du monde

Il y a un ordre du monde hérité de la colonisation qui perdure mais qui est contesté non seulement par des combats politiques mais également par des montées en puissance économiques qui déplacent graduellement le centre de gravité du pouvoir mondial vers des régions non-occidentales.

Pour ceux qui se placent déjà dans les perspectives à moyen terme, le Proche-Orient, c’est déjà du «passé », les prochaines guerres, ce sera en Asie. Ces « bonnes guerres » qui permettent de relancer la machine économique après une phase de destruction ; ou tout juste pour rappeler que l’Occident reste le « centre » et que ceux qui sont au-delà du limes ne doivent pas aller trop loin.

L’excellent politologue, Bertrand Badie, qui vient de publier un livre au titre éloquent « Nous ne sommes plus seuls au monde » souligne dans un entretien au journal Libération  que l’Occident doit désormais « compter avec un monde qui n’est pas exclusivement le sien, mais aussi avec l’apparition d’acteurs sociaux devenus globaux. Les sociétés elles-mêmes font irruption dans l’ordre mondial : celles du Sud, en particulier, viennent rompre «l’entre soi» occidental, tandis que la puissance classique ne peut rien sur elles. ».

Mais d’ici que l’Occident admette qu’il n’est plus «seul au monde », il fera tout – absolument tout – pour le demeurer. Il a l’art de fabriquer des guerres, de les saupoudrer d’un halo d’humanité et de bonne conscience avec une impunité assurée pour ses dirigeants. Il est clair que l’ordre politique du monde, qui est reste figé dans celui de l’ère coloniale, est dépassé par un monde nouveau qui émerge mais qui n’a pas encore sa traduction politique.

Les médias occidentaux aiment beaucoup dépeindre nos sociétés entre conservateurs et modernistes, c’est la grille, très cliché, par laquelle ils appréhendent les «autres ». Il ne leur vient jamais à l’idée de penser que dans l’ordre du monde, l’Occident incarne le «conservatisme » contre le reste du monde. Ce qu’on doit reconnaître aux Occidentaux est qu’il s’agit d’un «conservatisme » qui s’appuie sur une planification cynique du désordre chez les autres.

Des guerres planifiées et des Arabes faciles à berner

En 2012, Abdelbari Atwan, encore directeur d’Al Quds Al Arabi avant qu’il n’en débarqué par une opération de rachat très politique qui a banalisé le journal, disait son scepticisme au sujet du printemps arabe. L’homme n’avait – il n’en a pas toujours puisqu’on peut le lire sur son journal électronique Rai Al Youm – aucune sympathie pour les régimes arabes, mais sa connaissance de la manière de faire et d’agir des occidentaux expliquait son scepticisme.

« Je vis en Occident depuis 35 ans, j’y ai étudié, j’y ai enseigné, j’ai donné des conférences dans la plupart des universités ; j’ai écrit des articles sur le Moyen-Orient dans ses journaux (occidentaux), j’ai participé en tant que débatteur dans la plupart de ses stations télévisées en sus de centaines de conférences et colloques politiques. J’en suis sorti avec une conviction ancrée qu’il n’existe pas de politique improvisée, que les politiques et les guerres stratégiques se font sur la base d’une action et d’une planification rigoureuses et non sur une base réactive.

Qu’il y a une vérité ancrée chez la plupart des experts occidentaux : les Arabes sont faciles à berner, il est aisé d’exploiter leur faiblesse, de susciter les divisions parmi eux, sur une base confessionnelle et ethnique. Il suffit de se rappeler que la plus importante faculté à l’université de Londres des études orientales et africaines a été créée pour étudier les tribus et les ethnies arabes et à préparer les dirigeants anglais pour les colonies arabes.. ».

Le rappel est utile aux amnésiques. Quand les médias occidentaux continuent à seriner que les terroristes (issus de leurs ghettos) les attaquent «pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font », ils cherchent d’abord à duper leurs propres sociétés. Il y a eu 179 soldats britanniques tués en Irak et ils pèsent assurément infiniment plus lourd sur Tony Blair que les centaines de milliers de morts irakiens.  Le discours sur les motivations présumées des terroristes permet d’occulter la responsabilité des dirigeants.

Les guerres «lointaines » n’existent plus.

Rien dans ce qui arrive aujourd’hui ne peut être qualifié d’accident : une guerre illégale contre l’Irak, la destruction d’un Etat sous prétexte de le libérer de la dictature, l’encouragement du poison sectaire, l’encouragement voire l’incitation faite à des jeunes perdus d’Occident d’aller faire la guerre en Syrie, tout cela explique plus prosaïquement les choses.

Ce qu’ils ne perçoivent pas ou feignent de ne pas percevoir pour ne pas troubler des opinions publiques qu’ils gèrent à la peur, est que justement le monde a changé. Il y a chez occidentaux, chantres de la mondialisation néolibérale, une étrange et anachronique persistance de l’idée qu’on peut mener des «guerres lointaines » sans conséquences sur les métropoles.

Comme s’ils attendaient de ceux qui sont derrière le Limes d’avoir le «tact » de ne pas le franchir et de ne pas troubler la quiétude civilisée de leurs villes. Mais comment y parvenir quand non seulement on détruit des Etats et des sociétés, qu’on bombarde avec de vastes dommages collatéraux et, mieux, qu’on envoie (ou qu’on laisse y aller) des troufions occidentaux (qu’ils se nomment Tahar, Abbas n’y change rien) y faire le «bon djihad » (n’est-ce pas que Front Nosra fait du bon job, comme a dit un ministre occidental !).

« Les barbares tuent indistinctement par attentats suicides, les civilisés tuent indistinctement par missiles et drones », le tweet d’Edgar Morin a choqué en Occident car il tend un miroir dans lequel se voit la barbarie chic. Trop cru, d’où des insultes sans fin, y compris de nos éradicateurs qui n’ont jamais brillé pour leur autonomie de réflexion.

Cela n’arrive pas qu’aux autres

Dans ce monde qui vacille continuellement sur des provocations pour aller vers une « sacrée bonne guerre » à quoi peuvent bien penser ceux qui tiennent les leviers en Algérie ? Ils croient, eux-aussi, que les barrages internes qu’ils ont mis en place ne vont pas être débordés.

Cette privation des libertés, cet encouragement du repli vers la tribu afin de maintenir cadenassé l’espace national, cette absence de reddition de compte et tout ces dos d’ânes que l’administration fabrique pour contrer la citoyenneté réclamée depuis novembre 1954, tout cela ne renforce ni l’Algérie, ni même le pouvoir.

En réalité, si elles sont « efficaces » à écraser les individus, à créer des diversions, à semer des zizanies, à empêcher de débattre sérieusement de ce que nous pouvons et devons faire pour «être » dans ce monde, elles ne nous prémunissent absolument pas d’être une cible potentielle facile d’une mise en guerre.

Les tenants du régime, par leur politique qui empêche l’intégration citoyenne à travers les libertés et l’Etat de droit et la responsabilité (toutes choses que nous devons mener «ensemble » et sur la base d’un large consensus) n’auront fait que paver le terrain pour le pire.  Et pourtant, ils n’en finissent pas de nous donner des leçons de patriotisme. Ce qui, dans leur esprit très spécifique, consiste à nous imposer de rester les bras croisés en attendant qu’on nous explose.

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1 COMMENTAIRE

  1. pourquoi vousfermez cet espace et vous exigez l identificatication par mail,desole pour ce media que je pensais etre libre avec des titres et articles qui paraissent pertinents et meme tres courageux.ALORS messieurs,moi je ne suis ni lache ni foux de courage.pour la premiere et peut etre la derniere fois ,vous savez bien que la difference de liberte entre la coree du nord et mon tres cher pays est egal a zero.Alors svp laissez les gens s exprimer librement et sansidentification ou bien vous etespire que ce que vous denoncez ou peut etre vous etes vous meme ce que vous denoncez ou vous etes a sa solde.CHICHE ,Messieurs etre ou ne pas etre.TOUT DE MEME,j espere que je me trompe dans mes soupsons auquel cas et a l avance,je vous presente mille excuses.enfin oblige d ecrire ,et sans lachete aucune j ai utilise un mail inconnue pour moi que j ai trouve par hasard sur le net.

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    Allah yahdik, cher Monsieur. Nous n’avons aucune leçon a recevoir d’un anonyme qui craint son ombre. Bonne continuation.
    La redaction LQA

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