Berbérophones, mes frères…

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Il y a une question que l’on m’a posée durant toute ma vie. Une de celles qui vous sont posées avec ce petit sourire d’étonnement qui marque, à l’évidence, un soupçon à peine dissimulé que la réponse ne peut être sincère car trop éloignée de la « normalité ».
Elle me fut posée lors de mon enfance, puis de mon adolescence mais c’est au début des années quatre-vingt-dix qu’elle explosa dans sa fréquence lorsque j’avais pris cet avion avec Ait-Ahmed pour retourner en Algérie. Nous avions parcouru toute la Kabylie et pas un jour, pas un seul instant, je n’ai échappé à cette question.
Puis est venue la période des écrits dans les quotidiens algériens et se multiplia encore plus le nombre de fois où elle me fut, encore et encore, posée. Et pourtant, il ne s’est jamais passé une seule année sans que j’explique, de long en large, les réponses à cette question. Sans jamais me justifier car jamais je ne me justifie lorsqu’il s’agit d’opinion et de conviction mais avec cet acharnement qu’il faut expliquer, encore et toujours expliquer.
Cette question, après toute cette introduction, il faut bien que je la livre. J’ai tardé à le faire car je suis tellement épuisé de l’entendre et d’en donner la réponse à ceux qui me côtoient et savent mon engagement :
Pourquoi un oranais, non berbérophone, a-t-il consacré sa vie, son énergie et sa plume à défendre les droits des berbérophones pour la liberté de leur culture et la jouissance de leur identité sans jamais avoir à se justifier ou à en faire la promotion forcée ?
Cette question m’a toujours étonné, voire choqué. C’est tout simplement que je n’ai jamais supporté que mes compatriotes souffrent, si ce n’est qu’une seule seconde, de ne pas avoir les pleins droits de leur identité et de ce qui fait le plus profond de l’âme d’un être civilisé, sa langue et sa culture. Et que si cela n’est pas acquis, aucune liberté, aucune démocratie ne peut revendiquer son existence en Algérie.
La lutte pour les liberté culturelles et linguistiques sont donc des luttes pour la démocratie. Et je ne comprends pas que l’on puisse me poser une telle question. Non, je ne comprends pas du tout, après des décennies où l’on s’est acharné à me la poser. Je suis algérien et donc citoyen de Tizi Ouzou ou de toute autre part de ce pays qui m’a vu naître et qui m’appartient, même si des abrutis me l’ont confisqué et dénaturé. C’est donc les miens et mon propre pays que je défends dans leurs droits. Ce sont mes droits.
Moi, j’ai toujours eu cette impression d’écrire des articles condamnant le régime militaire, la religion oppressante et mal digérée, les droits bafoués des femmes et l’abominable code de la famille. Pourquoi cette question ne revient que lorsque mes écrits et mon militantisme évoquent mes compatriotes berbérophones ?
Lorsque dans un article, pour lequel des tonnes d’insultes ont été déversées à mon égard, je m’en suis pris violemment à un certain Rebrab (article sur ma page Facebook), l’accusant de s’être gavé de milliards avec un régime militaire, j’avais l’impression de défendre la Kabylie tout autant que mon pays. Car pour moi, les deux sont une même entité.
J’ai, modestement, sans grand succès mais avec conviction, consacré ma vie à la défense d’une partie de moi-même qui a été meurtrie par un régime militaire. Je ne pouvais supporter  que ce personnage se soit empiffré de milliards avec son aide, ses appels d’offres et ses connivences obligées.
Eh bien, je crois que je suis clair, je suis un démocrate et je défends mon pays contre les prédateurs et les monstres qui lui font du mal, FUSSENT-ILS BERBEROPHONES, pour une petite minorité d’entre eux.
Je ne comprends donc pas cette question et ne la comprendrai jamais.
En attendant, je salue mes compatriotes berbérophones de toute ma fraternité et de mon amitié sincère.
J’ai une crainte qu’au jugement dernier, la séance d’audience débute par « Expliquez-moi, monsieur SID LAKHDAR, pourquoi vous avez passé votre vie à….. ? ».
Ouf, sauvé, car je ne crois pas au jugement dernier, enfin en paix  !
 
SID LAKHDAR Boumédiene
 
PS : j’ai toujours, avec obstination et malgré les remarques de mes amis, souhaité utiliser le terme de berbérophone, plutôt qu’un autre. La langue, c’est la seule différence objective qui me différencie avec mes compatriotes. Une différence qui m’enrichit.
Puis, parce que la différence des vêtements de fête, du couscous ou des autres marques de la région, en quoi sont-elles à distinguer des nombreuses variantes régionales de mon pays ? Encore une richesse qui, décidément, si elle pouvait réjouir tout le monde autant qu’elle me réjouit.

4 Commentaires

  1. Bonjour,
    Si j’ai bien compris vous êtes arabophone et Algérien, je suis pour ce qui me concerne Amazigh, arabophone , berbérophone, et Algérien comme vous.
    J’ai vécu dans beaucoup de villes en Algérie d’est en ouest. En oranie on nous traitait de « Zouaouas feyhine », au centre « Kbayli bounou bounou….. », à l’est c’était moins violent peut être du fait de la présence de Chaouias.
    En Kabylie, certains traitaient les arabophones de « Izoukhers » (porcs), comme vous pouvez le constater on se fait des échanges d’amabilités d’est en ouest de manière généreuse.
    L’ignorance et l’absence d’une véritable éducation émancipatrice nous font dire des âneries depuis longtemps.
    L’essentiel est de rester fidèle à un corpus de valeurs respectant l’homme avec un grand H. On ne peut satisfaire tout le monde.
    Cordialement

  2. Il faut ignorer ce genres de questions, vous donner trop d’importance a des questions non avenantes! ils défendent Rebrab mais n’ont rien n’a manger chez eux, des analphabètes qui n’ont jamais quitter l’algérie, des frustrés obsédés sont prêt a tout moment de détruire n’importe quoi c’est la haine tout simplement.

  3. À lire cet étalage on conclut par transitivité l’Algerie est constituée de Berbérophones, Arabophones et Francophones, avec une tendance chez les 2 derniers groupes de se confondre avec Arabophiles et Francophiles. En somme en Algérie nous n’avons aucune identité ancestrale, nous sommes juste des tonneaux vides juste bons à régurgiter un son. Est ce aussi difficile d’assumer notre origine et ne pas la réduire à Kabyles, Chaouis ou Mzabite? Et si nous étions des Arabes, quelle est notre racine? Yémen? Oasis d’Arabie?

  4. Il fut un temps au milieu du xix siècle ou la berberophilie était une mode chez certains colons prédateurs dans ce pays (diviser pour régner) ainsi que l’arabophilie exubérante de certains prédateurs du pouvoir en 62 . Alors de grâce cessons d’attiser ce feu qui risque de nous brûler tous , acceptons nos différences et unissons nos efforts afin de parachever notre indépendance hypothéquée par la dictature et partant ne plus voir comme tout récemment ces images humiliantes dans les rues d’Alger ou on a fait appel au haik et aux youyou comme pour nous rappeler une basse manœuvre coloniale un certain jour de mai 1958 et pour ne plus permettre l’avilissement intentionnel de notre jeunesse en implorant le tortionnaire d’hier a sauver notre pays . Sauvons le nous même. Une fois réellement affranchis nous saurons certainement trouver solutions a tous nos problèmes .

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