«Je suis spécialiste… je galère»

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El Watan le 19.01.18 

En grève depuis deux mois, les médecins résidents maintiennent leur action. El Watan Week - end a rencontré une spécialiste qui fait son service civil à El Bayadh, après plusieurs tentatives infructueuses à Tissimssilt et Biskra. Témoignage.

«Je suis la seule endocrinologue de la wilaya d’El Bayedh. A l’hôpital de la ville, je n’ai pas de stéthoscope ni de glucomètre encore moins de médicaments d’urgence. Je galère.» Assma, aujourd’hui 31 ans, a beaucoup de dégoût, parfois de la colère, mais souvent elle galère. Son parcours est similaire à celui de ses camarades assistants spécialistes. La galère pour Assma a commencé dès l’affectation à des postes, qui devait se faire en avril dernier sur le Net. Sans surprise, site qui beugue plusieurs fois… une démarche qui a pris beaucoup de temps, mais elle finit tout de même par s’inscrire à son service civil.
Destination : Tissimssilt. La structure où elle a été affectée se trouve au sommet de la montagne, au lieu-dit Bourdj Bounaâma, distant d’une heure de route du chef-lieu de wilaya. «J’entame mes démarches pour m’installer, mais la direction de la santé publique, me signifie qu’il n’existe pas de logement pour moi.» Résultat des courses : impossibilité d’y rester et de prendre son poste.
Retour à Alger dans la même journée. Assma, accompagnée à chaque fois par sa mère et son frère, tente le recours et supporte l’attente avec calme. Mais le directeur de la santé publique (DSP) lui explique clairement qu’il ne peut rien faire pour elle. La DSP, qui avait introduit une demande de logement depuis des mois, n’a toujours pas reçu son quota de la part du ministère de la Santé.
Désespérée, elle tente cette fois-ci une autre demande de poste à Biskra où elle apprend la disponibilité de logements pour les médecins. Une fois arrivée sur place, le DSP lui explique : «Tbiba, je vous informe je n’ai pas de logement, mais vous pouvez attendre d’ici la fin de l’été ce sera réglé (nous sommes en juin).» Retour à Alger dans la même journée.
Mais avec un espoir que la DSP de Biskra la contacte pour lui remettre les clefs de son logement pour pouvoir enfin prendre son poste. La promesse étant faite pour le mois d’août, Assma décide d’y retourner. «J’ai tout de même appelé pour confirmer avant mon départ. Mais on m’informe que le logement n’est toujours pas disponible !
J’ai donc annulé mon déplacement.» Ce n’est que deux mois plus tard qu’Assma réussit à avoir un poste mais avec un sacrifice important : le logement. «J’étais certaine que ma copine déjà installée à El Bayadh dans un logement peu spacieux était prête à me recevoir comme colocataire», témoigne l’endocrinologue. Les responsables à El Bayadh ne voulaient pas lui confier le poste tant qu’elle n’avait pas d’engagement écrit pour sa collocation !
Patience
Fin novembre, elle demande l’unique poste de cette wilaya de l’établissement public hospitalier. «J’ai beaucoup galéré d’une wilaya à l’autre pour m’installer enfin à El Bayadh.» Une fois installée et le poste pris, les surprises commencent. Pas de stéthoscope ni de glucomètre encore moins de médicaments d’urgence. Assma revient spécialement à Alger pour récupérer du matériel. Une situation qui met mal à l’aise Assma. «En tant que médecin, je ressens de la compassion envers mes patients.
Mais ce qui est sûr, c’est que eux aussi compatissent avec nous. Ces patients qui connaissent la situation de leur structure de santé et de notre manque de moyen.» Des malades qui font preuve de patience. Car à la structure, c’est un peu le désert. L’endocrinologue envoie, pour les analyses, ses patients dans des labos privés. Il n’existe pas de laboratoire dans cet EPH. Son amie orthopédique installée à Skikda n’a pas de… bloc ni de plateau technique.

Au début, la DSP a obligé cette spécialiste à n’occuper qu’une chambre durant ses trois ans de service civil. Face à son refus, la DSP cède : elle lui paye une petite partie de sa location ! Et pour Assma, la galère ne se limite pas au travail puisqu’elle commence de chez elle. Pour se rendre à l’hôpital, elle doit chaque matin prendre un taxi.
Nassima Oulebsir

4 Commentaires

  1. Il faut exercer dans des conditions acceptable ou refuser le poste, il est de votre devoir d’exiger le minimum , il y va de la vie de gens. On ne lésine pas avec la santé des autres.
    Il fallait réagir depuis bien longtemps, vous avez accepter de faire le jeu de l’administration et des politiques. Pourtant l’argent et les moyens ne manquent pas quand il s’agit de médecin cubain, chinois ou autres, l’argent ne manquent pas également lors d’une campagne électorale, des meetings,des galas artistiques avec des stars qu’on payent a coût de millions en devises.
    Vous vous êtes laisser faire, il faut que ça change , un vulganisateur prend 500 DA en réparant un pneu c’est normal , un infermier ou un médecin pourquoi le payer pour une injection ou un contrôle de Tension artérielle, c’est gratuit non non. Faire la chaine dans un commissariat, dans une poste …sans rechigner mais dans un cabinet ou à l’ hôpital c’est permis.
    Houma rakhsoukoum wantouma radyin, il était temps de réagir, et si vous n’arracher pas votre droit par vous mêmes personne d’autre ne le fera à votre place, et c’est pas nos députes qui vont vous soutenir dans votre combat , le Smig , la grille de salaire, c’est leur derniers soucis, et puis entre nous ce n’est pas une question d’argent c’est plus une question de dignité.
    La fin de galère n’est pas pour demain avec ce pouvoir, mais au mois galérer dignement

  2. Ecouter, écouter ce qui se passe en Algérie est un problème général, l’anarchie est partout, le système doit changer, les mêmes constats dans les mairies comme dans les administrations! voila…

  3. Témoignage du Docteur Najib Taleb d’Oran.
    Histoire très émouvante du vécu d’un couple de médecins
    Apparemment y’a beaucoup de gens qui ont adhéré au groupe juste question de surfer sur la vague… Je ne suis pas a la place de chacun et personne n’est a ma place donc aucun préjugé.
    Je me permet de faire un petit témoignage espérant que ça va secouer plus d’une personne, voilà je suis Interniste promo janv 2017, ma femme est chirg viscérale promo 2015, luttant tout les deux pour décrocher ce fameux droit de regroupement familiale, hélas sans résultat. Ma femme fut affectée a Ksar Chellala, moi a Aoulef(Adrar), lieu de résidence a Oran. En aucun moment nous avions cru que nous aurions des difficultés pour décrocher le regroupement, et ce, pour plusieurs raisons:
    1- Ma femme est malade avec une pathologie chronique ayant subit plusieurs chirurgies (bien-sûr tout est documenté ) donc nécessitant un poste proche de son foyer et famille.
    2-Le bon dieu nous a fait don d’un enfant magnifique, qui en 2015 avait 2 ans (bas âge) et qui présente un trouble autistique ( c’est pas pour me plaindre -hamdoullah- mais imaginez un peu la vie des parents dans un pays dépourvu de toute structure ou prise en charge pour cette catégorie), juste pour info sur Oran ou j’habite les pedopsy et centres adéquats se comptent sur les doigts d’une main, qu’on est il des hauts plateaux voir le grand Sahara ??
    -Moi même je souffre d’une pathologie chronique avec handicap fonctionnel relatif, ne pouvant assurer une activité quotidienne au delà d’un trajet > 1h de route (évidement tout est documenté)
    4- En dehors de toutes considérations médicales, le regroupement familiale, est un droit ultime pour une famille (parents+enfants)
    Résultats des courses :
    – Depuis 2015 a ce jour 6 recours.
    – 3 audiences avec Le DRH, toutes avec une compassion et la fameuse consolation « monsieur c’est votre droit absolu, veuillez laisser votre dossier chez madame cherifi, on vous contactera…. »
    – 6 audiences avec le chef de cabinet du ministre, les 3 premières c’était genre « c’est pas normal, un dossier comme ça ne traine pas si longtemps, je vais m’en occuper »
    Les suivantes  » désolé j’étais occupé, je vous promets de vous régler dans la semaine, c’est pas la peine de se déplacer au ministère, on vous appellera, sinon faut juste contacter le secrétariat…  »
    Puis les fois suivantes refus de nous recevoir sous prétexte que notre requête est bien connue, ainsi qu’il a été stipulé de ne plus se déplacer au ministère, faut juste attendre qu’on soit contacté par tel ….
    – On a sollicité l’inspection générale au niveau du ministère, qui se disait étonnée et désolé qu’une simple requête aie pris un tel temps et désagrément, une promesse fut donnée ….a ce jour.
    – Chômage de 3 ans pour ma femme et 1 an pour moi, on ne vit pas, on essaie de survivre avec tous les frais loyer, frais médicaux. Bref la vie de rêve d’un couple élite dans ce pays.
    Moralité : les gens qui espèrent une résolution sans effort, c’est gagné, restez chez vous et attendez mais vérifiez qu’il y’a au moins une cheminée chez vous sinon le père Noël ne passera pas.
    Si vous pensez que les autres se soucient de votre situation, vous vous plantez les doigts dans les yeux, y’a que votre entourage immédiat qui le fait.
    Croyez moi, même si votre situation actuelle ne vous préoccupe pas, ce n’est guère synonyme de stabilité car la vie est pleine de surprises.
    Enfin personne n’a le droit de vous dicter ce que vous devez faire, ni critiquer vos choix, vous êtes mûres et responsables agissez comme tels.

    • Les vrais pathos sont ces responsables là!Au niveau du ministère de la santé,chargés de ce genre d’affectations invraisemblables.On dirait qu’ils sont inhumains!Sinon comment oseraient-ils demander à des professionnels de la santé eux-mêmes malades de prendre en charge d’autres patients? Sont-ils conscients de ce qu’ils sont entrain de faire subir à d’autres personnes sans la moindre compassion pratique?
      Ou bien s’agit-il,tout simplement,d’un système de santé malade qui risque de faire un collapsus ou il ne trouvera personne pour le réanimer?Et là,ça sera trop tard pour venir à son secours!

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