Raouf Farrah
Aujourd’hui, Khaled Drareni a été condamné à deux années de prison. Honteuse et impardonnable décision du régime. Douloureuse injustice pour Khaled, sa famille, ses amis. Pour l’Algérie tout entière. La formidable mobilisation à l’échelle nationale et internationale n’aura pas eu raison de la volonté du régime de le bâillonner. Les deux anciens co-détenus de Drareni, Slimane Hamitouche et Samir Benlarbi, ont été condamnés à quatre mois de prison. Ils sont, paradoxalement, libres suite à la même affaire. Aux mêmes chefs d’inculpation. Khaled devait être sacrifié.
Pour le régime, il ne pouvait en être autrement.Le journalisme dont il est le nom irrite les tenants du pouvoir. Le président désigné et ses sbires politiques en ont fait un « enjeu d’État ». La bassesse et l’ignominie des déclarations des Tebboune, Belhimer et consorts ont mené à sa condamnation avant son jugement. Tebboune et ses ministres sont allés trop loin. Remonter une telle pente aurait été un énième aveu de faiblesse. Selon les journalistes qui étaient sur place, tout était prêt pour « sacrifier » Khaled.
Plusieurs unités des forces de l’ordre avaient encerclé la cour et interdit l’accès à l’immeuble, menaçant tous ceux qui oseraient se rassembler après la prononciation du jugement. Les dés étaient jetés d’avance. Par cette condamnation, le régime confirme sa «guerre totale » contre le Hirak. Les tenants du pouvoir ressentent une détestation profonde contre ceux qui menacent leurs intérêts. La droiture, la compétence et l’engagement sont synonymes d’obstination, d’arrogance et d’insolence. Ils veulent faire taire non pas le journaliste « Drareni » mais le journalisme dont il est le nom. Le régime veut faire du journalisme un crime, du militantisme un délit, de la citoyenneté une tare.
C’est une question de survie. Au mépris du droit et par l’usage de lois scélérates, le régime veut étouffer, punir et surveiller toutes les voies libres qui peuvent accompagner et alimenter le mouvement populaire. Ceux qui osent défier l’arbitraire, l’illégitimité et l’autoritaire nature du pouvoir remplissent le verre des espérances du Hirak pacifique, porté par la jeunesse dont Khaled est le nom. Khaled ne sortira pas de prison de sitôt. Devant l’Histoire, lui et tous les détenus injustement emprisonnés sont des hommes libres. Ils sont les otages d’un régime, mais les héros d’un peuple digne qui lutte pacifiquement contre un pouvoir qui a confisqué le pays et enseveli l’intérêt général.
Même si les Drareni, Benaoum, Lallami, Abdesami, Nekkaz et tous les détenus sont dans nos cœurs et nos esprits, nous craignons pour leur santé et leur vie. Aujourd’hui, le cœur est lourd, mais la lutte pacifique doit se poursuivre, car seul le hirak va les libérer. Seul le Hirak peut sauver le pays du destin sombre que lui réserve le régime.
Raouf Farrah
15 septembre 2020
Crédit photo: Amine Bendjoudi et Galerie des photos en soutien au mouvement populaire