L’Algérie des réseaux sociaux : les voix du Hirak qui ont fracassé la propagande médiatique du régime

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PAR AW · PUBLIÉ AVRIL 1, 2021 · MIS À JOUR AVRIL 2, 2021

Algeria-Watch, 02 avril 2021

Ce sont de jeunes Algériens qui ont émergé du cœur du Hirak depuis son début, le 22 février 2019. Ils ont la trentaine, avec des profils divers provenant de toutes les régions du pays. Ils sont aussi représentatifs de la majorité des catégories sociales. Sans liens les uns avec les autres, ils partagent la même analyse de la nature du régime, de sa perversité, et expriment les aspirations de la société dans sa diversité.

D’horizons divers et de parcours différents, ces jeunes activistes convergent pourtant sur les principes démocratiques, les libertés publiques et dans le refus sans équivoque de toute violence. Par leur inventivité et leur détermination, ils contribuent chacun à sa façon à mettre en difficulté un régime agonisant. Ces voix du Hirak ont créé un espace politique sur les réseaux sociaux : ils informent, se débrouillent avec talent dans l’analyse du quotidien, résistent aux attaques, interagissent avec leur audience sur le Web, suscitent des débats. En s’emparant des réseaux sociaux comme outil de mobilisation et d’information, ces voix multiples ont fracassé le gigantesque dispositif médiatique du régime. Cette pesante bureaucratie qui mobilise journaux, télés, sites Web et « mouches électroniques » a été irrémédiablement ringardisée.

Pour la plupart encore peu connus des observateurs à l’extérieur du pays, ces très nombreux porte-voix du Hirak sont suivis par des dizaines de milliers de personnes aussi bien en Algérie qu’à l’étranger. Fin mars 2021, alors que reprenaient les manifestations hebdomadaires interrompues par la pandémie un an auparavant, trois d’entre eux ont raconté à Algeria-Watch – qui a traduit leurs propos de l’arabe – leurs trajectoires et leurs visions d’un mouvement populaire inédit qui entame sa troisième année.

Sans prétention et dans la clarté, ces jeunes racontent des destins ordinaires dans une Algérie dévastée par une dictature sans âme, dont la corruption n’est égalée que par son mépris du peuple. Ce qu’ils disent de l’éveil politique de la jeunesse, de ses souffrances et de ses aspirations, est riche d’enseignements, notamment en ce qui concerne la rationalité et la mesure d’un mouvement émouvant et tout à fait original.

Malik Riahi : « Le Hirak m’a donné la conscience »

La page Facebook de Malik Riahi est suivie par près de 35 000 personnes.

J’ai trente ans. J’ai arrêté ma scolarité à cause des difficultés de la vie, notamment après le décès de mon père. Je suis arrivé en deuxième année secondaire, filière mathématique. J’étais toujours parmi les premiers, surtout en mathématiques et en physique. Malheureusement, je n’ai pas pu continuer. Par la suite, j’ai fait des petits boulots par-ci par-là pour aider ma mère et mes frères. Après j’ai travaillé dans une mine, où j’ai pu mettre un peu d’argent de côté grâce auquel j’ai ouvert une librairie. J’y ai travaillé trois ans, je n’ai pas réussi. J’ai fait faillite.

J’ai ensuite tenté al harga (immigration clandestine) à deux reprises en Espagne, mais je n’ai pas réussi à rejoindre la rive. J’ai été arrêté et j’ai perdu tout ce que j’avais. Je suis resté deux ans sans travail. J’ai cherché partout, j’ai passé des concours, mais même si je les réussissais, on ne me recrutait pas parce que tout simplement je n’ai pas de piston et je ne donne pas de pots-de-vin. J’ai patienté longtemps et, finalement, Allah m’a ouvert une voie et en 2017 j’ai trouvé un petit boulot à l’hôtel Sheraton. Dès la première année, j’ai fait mes preuves et j’ai été promu plusieurs fois.

Puis en 2019, le Hirak est arrivé et j’y ai cru, alors je me suis investi. Mais j’ai été arrêté et emprisonné. Après mon emprisonnement, on m’a licencié. J’ai sacrifié pour mon pays ce que j’ai construit pendant trois ans de travail. Après ma sortie de prison, Dieu merci je n’ai pas dévié de la voie juste du Hirak, alors ils se sont vengés contre moi : ils se sont attaqués à ma famille, ils ont emprisonné mon frère sans la moindre raison. Ce sont les méthodes de la issaba (la « bande »). Ils ont continué à exercer des pressions sur moi à tel point que j’ai dû quitter la maison familiale. Je suis en fuite depuis sept mois maintenant. Une nouvelle histoire a commencé pour moi.

Avant le début du Hirak, je ne m’intéressais pas beaucoup aux questions politiques. Je suivais superficiellement ce qui se passait dans le pays, mais je savais pourquoi et comment le pays était arrivé à ce niveau de corruption. J’étais désespéré. Quand j’ai commencé à travailler à l’hôtel Sheraton, je voyais de mes propres yeux comment vivaient les enfants des responsables : dans le luxe et le gaspillage de l’argent. À cette époque, c’est comme si j’avais développé une haine envers ce régime. Quand je finissais mon boulot, j’allais voir mes amis, les enfants du peuple, et ça me faisait de la peine de voir comment ils vivaient. Je me disais qu’il y a des gens qui possèdent le monde et que d’autres ne trouvent pas de quoi manger ou s’habiller alors que nous vivons dans le même pays.

Dieu merci, j’ai été parmi les premiers qui sont sortis le 22 février 2019 pour manifester. Dès le début, j’ai cru dans la cause, certain qu’on allait gagner. Je me souviens que ce jour-là, j’ai quitté mon travail en prétextant que j’étais malade. Je suis allé directement au siège de la wilaya où se déroulait le rassemblement. Après j’ai fait un live sur mon compte Facebook. Mais mes responsables au boulot l’ont vu et m’ont sanctionné parce que je leur avais menti.

Après une semaine, j’ai vu que le peuple sortait par millions. Sincèrement, j’ai pleuré tellement j’étais content. L’espoir était de retour. Je me suis dit je vais rester au pays avec mes frères du peuple pour continuer ce qu’on a commencé, c’est-à-dire construire un État de droit et de justice, un pays où personne n’est injustement traité.

Je constate que ce Hirak est positif parce qu’il a dévoilé et continue de dévoiler la véritable force de chaque hirakiste individuellement. Dieu merci, le peuple sait désormais qui croit vraiment en la cause et qui manifeste pour ses intérêts personnels. À mon avis, le Hirak a acquis une immunité qui lui permet de déconstruire la contre-révolution et de poursuivre le chemin vers la liberté. Le Hirak possède une conscience collective qui ne peut être pénétrée par la contre-révolution. Je vois en lui l’avenir du pays et des Algériens. C’est pourquoi il est du devoir de chaque hirakiste de protéger le mouvement d’une confiscation. Cela ne peut se réaliser que par notre union et notre solidarité, malgré nos différences idéologiques.

Le Hirak m’a appris le sens de l’unité nationale : je l’ai vécu à travers mon expérience lorsque je suis allé me réfugier en Kabylie, où j’ai fui la « justice du téléphone ». J’ai vu comment ils m’ont reçu et protégé. Je n’ai pas eu froid, je n’ai pas eu faim et j’avais toujours un toit. Le Hirak m’a appris que notre union est notre force et c’est grâce à elle que nous n’avons pas flanché. Le Hirak m’a appris ce qu’est le sacrifice pour le pays et pour des lendemains meilleurs, il m’a donné aussi la confiance et la conviction que nous pouvons renverser le rapport de forces, il m’a donné la conscience, ce que j’ignorais auparavant. Il m’a fait connaître des gens sincères.

Le Hirak m’a appris l’histoire véritable de ce pays et comment ont été volées les révolutions de nos grands-parents et de nos parents. Le Hirak a même eu une influence positive sur mon comportement et sur ma vie.

Chawki Benzahra : « La priorité est de bâtir un État de droit »

Chawki Benzahra, vingt-neuf ans, est un activiste politique algérien qui vit à Lyon, en France. Depuis le début du mouvement, ses interventions sur les réseaux sociaux sont très suivies en Algérie et ailleurs.Sa page Facebook est suivie par près de 30 000 personnes . Lien de sa chaîne YouTube 

Quelle est votre lecture de l’état du Hirak après son retour le 22 février 2021 ?

Je tiens d’abord à souligner la grandeur de la tâche accomplie par les « hirakistes » en réinvestissant la rue quand le pouvoir en place a cru en reprendre possession depuis la suspension des marches en mars 2020 à cause de la Covid-19. Sans oublier également de saluer les habitants de la ville de Beni-Ourtilane qui ont su entretenir la flamme des marches pacifiques et ce depuis avril 2020 sans aucune interruption.

Pour ce qui est de l’état du Hirak après son retour, le point le plus important à relever est que la mobilisation n’a pas faibli par rapport à l’année dernière. Elle est plus importante dans certaines wilayas comme Alger, Sétif et Bouira, même s’il reste quelques villes où les hirakistes peinent à reprendre les marches à cause de la répression policière féroce et inhumaine et de la mobilisation insuffisante – notamment à Batna, Biskra, Mascara et Tiaret.

Concernant la « politisation » du Hirak, un grand travail a été fait sur les réseaux sociaux pendant l’interruption des marches. Ce qui fait qu’on a maintenant un mouvement révolutionnaire beaucoup plus politisé, même si le régime a profité du confinement pour mener une large vague d’arrestations arbitraires pour de simples publications sur les réseaux sociaux.

Dans vos interventions sur les réseaux sociaux, vous tentez toujours de déconstruire les opérations répétées de manipulation du régime. Pensez-vous que ces opérations ont eu un effet négatif sur la mobilisation populaire ? Ont-elles affaibli le Hirak ?

Quand un régime dictatorial fait de la manipulation, il y a toujours quelques dommages dans le camp révolutionnaire, surtout quand on sait que le régime algérien a investi des millions de dollars depuis le 22 février 2019 pour créer des milices de « mouches électroniques » afin de semer la zizanie sur les réseaux sociaux et manipuler l’opinion publique. Car les Algériens cherchent l’information principalement sur Facebook, vu que les médias traditionnels n’ont plus aucune crédibilité et qu’aucun Algérien n’ignore que leur ligne éditoriale est dictée par les officines des services de renseignements. Globalement, cette entreprise de manipulation a été un échec cuisant pour le régime : son objectif était de faire croire aux Algériens que le Hirak était fini, mais on sait aujourd’hui que c’est loin d’être le cas et que la mobilisation va crescendo.

Depuis plusieurs semaines, des voix prétendent que le Hirak veut remettre sur la table les années 1990 pour « blanchir » les islamistes ? Qu’en est-il réellement ?

Depuis le début du Hirak, la question des années 1990 et notamment des victimes de la « décennie noire » a été remise au-devant de la scène, notamment par la présence dans les marches du vendredi des familles des disparus et des détenus politiques des années 1990, sans oublier les slogans scandés par des millions d’Algériens pour réclamer leur libération.

Concernant l’accusation de blanchir les islamistes et le FIS en particulier, cela fait partie intégrante d’un plan de manipulation de la junte militaire opéré par certains de ses affidés pour nous empêcher de parler des atrocités commises par ceux qui se sont rendus coupables de crimes de guerre pendant les années 1990 et qui sont aujourd’hui au pouvoir, comme le chef d’état-major Saïd Chengriha. Et l’exécution du plan de manipulation s’est accélérée avec le retour dans le sérail de militaires comme Abdelaziz Mejahed, Mohamed Chafik Mesbah, Khaled Nezzar, Mohamed Médiène et tant d’autres.

Il y a aussi la question du prétendu « débat idéologique » ? Certains avancent qu’il est nécessaire de l’avoir maintenant alors que d’autres sont contre.

L’heure n’est pas au débat idéologique et le slogan du Hirak est très limpide : « Il n’y a ni islamiste ni laïc, il y a une bande de mafieux qui pillent les richesses du pays. » Certes, certains rejetons du « toufikisme » (liés à l’ex-patron du DRS Toufik Médiène) comme Saïd Sadi ont essayé de créer un débat idéologique au sein du Hirak avec les paradigmes des années 1990, pour provoquer des dissensions. Sauf qu’aujourd’hui, pour la plupart des jeunes qui sortent chaque vendredi, la question de l’idéologie ne se pose pas du tout : la priorité est pour eux de bâtir un État de droit. Personnellement, je crois à une « troisième voie », loin de la polarisation islamiste-laïc. Mais chacun aura le temps de réfléchir à ce sujet après la chute de la junte militaire au pouvoir.

Depuis des mois, la question de la représentation du Hirak se pose, pourtant les hirakistes s’y refusent. Comment expliquez-vous cette position ?

Beaucoup de hirakistes – et je partage leur avis – considèrent que la représentation du Hirak provoquerait sa fin par une récupération du régime. Il faut souligner que la plupart des noms qui ont été avancés en mars 2019 pour représenter le Hirak sont aujourd’hui à la solde de la junte militaire et de ses services de renseignements.

Vous avez choisi de vous exprimer sur les réseaux sociaux. Est-ce une démarche efficace ? Y a-t-il de l’interaction ? Recevez-vous des informations ? Des commentaires ?

La démarche est efficace, mais elle l’aurait été encore plus si je pouvais faire de la politique en Algérie et être sur le terrain, chose qui est actuellement impossible. Comme certains activistes à l’étranger, j’ai été poursuivi en justice et condamné par un tribunal algérien pour mon activisme sur les réseaux sociaux. Et un retour au pays est impossible vu qu’on est sous la menace d’être torturé par les services de renseignements, comme ce fut le cas pour certains militants. Le dernier était Sami Dernouni, sans oublier l’assassinat du journaliste Mohamed Tamalt en décembre 2016.

Heureusement qu’il y a beaucoup d’intérêt pour ce que je publie, notamment mes lives Facebook. C’est un bon signe, car cela prouve que le peuple s’intéresse de plus en plus à la politique. Pour ce qui est des informations, j’en reçois beaucoup et même trop, dans le sens où il est souvent difficile, faute de temps, de vérifier leur authenticité et de recouper les sources. Le régime répand souvent de l’intox pour porter atteinte à la crédibilité des activistes, donc il n’est pas question de publier une information sans être certain à 100 % qu’elle est authentique.

Ibrahim Daouadji: “ Cette magnifique révolution populaire pacifique ne laissera que des empreintes positives »

Ibrahim Daouadjiest syndicaliste et militant pour les droits humains. Enseignant dans un lycée, il s’est retrouvé sans emploi après son incarcération durant le Hirak. Il est titulaire d’une licence en langue anglaise, d’une licence en commerce international et il est technicien supérieur en informatique.Page Facebook de Ibrahim Daouadji

Je militais déjà avant le Hirak. Je participais dans plusieurs régions du pays aux rassemblements de protestation du corps des enseignants, aux manifestations des familles de disparus, ou pour soutenir les bloggeurs emprisonnés. J’ai participé aussi à la marche pour la dignité et contre le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. J’étais très en colère contre la médiocrité qui a touché tous les secteurs, contre la situation politique et la gestion désastreuse des institutions de l’État. J’étais particulièrement indigné contre la répression des médecins, des professeurs, des étudiants et des manifestations politiques.

J’ai vécu une expérience frustrante entre 2014 et 2018 avec l’échec de la mobilisation contre le quatrième mandat, c’est pourquoi je n’étais pas certain que les gens répondraient à l’appel du 22 février 2019. Le 9 février, avec un groupe de militants, nous avons réussi un rassemblement à la place de l’émir Abdelkader à Alger, puis il y a eu les manifestations du 16 à Khérata et du 19 à Khenchela, mais la manifestation dans la capitale a eu un autre impact, d’autant plus qu’il était interdit d’y manifester depuis 2001.

Le 22, j’étais à Alger comme d’habitude, après la fin de la prière du vendredi, nous sommes partis de la mosquée des Mouminin (croyants) de Belcourt, petit à petit, des torrents de manifestants déferlaient dans toutes les rues du centre-ville. Nous avons littéralement pleuré de joie. Malheureusement, la marche s’est terminée par la répression, des gaz lacrymogènes et des arrestations. Il y a eu ce jour-là plus de 123 détenus.

J’ai été arrêté dans plusieurs wilayas, mais j’étais chaque fois libéré en fin de journée, sans être poursuivi en justice. Mais en 2017, j’ai eu ma première poursuite après avoir déclamé un poème intitulé « La pièce de théâtre il s’est assis et ne s’est pas levé ». J’avais déclamé ce poème à Alger pour la commémoration des manifestations du 11 décembre 1960, à l’invitation du mouvement Rachad, du combattant Lakhdar Bouregaa, de la mère de disparu Oum Amin et de nombreux militants. Après deux mois, j’ai reçu une convocation sous l’accusation d’« atteinte à un symbole de l’État (le président de la République) par voie électronique ». En mars 2019, j’ai été reconnu coupable et j’ai écopé d’une amende de 500 000 dinars (3 100 euros).

Depuis le rassemblement du 9 février 2019 à Alger, j’ai reçu de nombreuses convocations de la gendarmerie et de la police, jusqu’à mon arrestation le 11 octobre 2019. J’ai été condamné à six mois de prison sous l’accusation de « rassemblement non armé » et j’ai été placé en détention provisoire dans une deuxième affaire pour « atteinte à une institution, incitation à rassemblement, atteinte à l’unité nationale et atteinte à l’intérêt public ». J’ai été détenu trois mois et vingt jours, puis j’ai été condamné à trois mois de prison.

Après ma sortie de prison, j’ai découvert que j’étais licencié de mon travail. Malgré les démarches des syndicats pour me réintégrer dans mon poste, la direction de l’éducation d’Oran a refusé en raison de pressions sécuritaires. Le 3 mars 2020, après avoir participé à la marche des étudiants dans la capitale, j’ai été kidnappé par des policiers en civil, puis libéré en fin de journée. Le 6 mars, j’ai fait un Facebook live dans lequel j’ai parlé des conditions de détention et des violences physiques et verbales dont j’ai été victime.

Cette vidéo a été la raison de mon enlèvement le 16 mars à Mostaganem, après lequel j’ai été conduit au Centre Antar dans la capitale. Après 72 heures d’interrogatoire, j’ai été déféré devant le procureur de la République au tribunal Abane Ramdane, où le juge a décidé de me placer en détention provisoire. Le 2 avril, j’ai été condamné à une peine de six mois de prison pour « atteinte au moral de l’armée ». Le 17 mai, j’ai été acquitté du premier chef d’accusation et ils m’ont condamné à deux mois de prison pour atteinte à l’« unité nationale ». J’ai été libéré le lendemain. Après le 19 juin 2020, j’ai reçu une convocation, mais je n’y ai pas répondu : j’ai décidé de vivre caché jusqu’à nouvel ordre.

Après deux ans, le mouvement a développé une conscience politique sans pareille depuis trente ans. Ses slogans se sont adaptés à toutes les manœuvres du régime, y compris celles de division sur des bases ethniques ou idéologiques. Les tentatives de semer le désespoir, notamment après l’imposition des élections du 12 décembre 2019 par la force avec la campagne d’arrestations visant les militants et avec l’arrêt des marches en raison de la pandémie, ont été vaines. La dernière tentative d’accuser les militants d’« extrémisme » a été vaine aussi.

Le régime a compris que le radicalisme de la rue ne s’agenouillera pas devant ses manœuvres et celles des pions de la contre-révolution, pas même devant la répression et les arrestations de manifestants. Le mouvement entame sa troisième année de fermeté avec plus de maturité. Il a dévoilé les profiteurs et les opportunistes qui prétendaient représenter le peuple et dialoguer avec le régime.

Son avenir dépend de plusieurs facteurs, dont le plus important est l’acceptation par l’armée, l’acteur principal, de remettre le pouvoir au peuple, ce qui ne semble possible que grâce à la pression populaire et à l’escalade du mouvement de protestation. Le régime ne pourra pas contenir la colère de la rue avec des forces de l’ordre épuisées physiquement et mentalement. Les crises sociales et économiques qui s’accumulent en l’absence de solutions urgentes feront la différence et feront pencher la balance en faveur du Hirak.

Je fuis actuellement les poursuites judiciaires et je suis bien sûr sans travail, mais j’ai l’espoir d’un avenir meilleur tôt ou tard. Car cette magnifique révolution populaire pacifique ne laissera que des empreintes positives : le citoyen algérien s’accroche désormais à sa citoyenneté et à ses droits.

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