Montage automobile en Algérie : entre cafouillage et absence de stratégie

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TSA mercredi 29 mars 2017 | Par Fayçal Métaoui

DANS L’USINE DE MONTAGE RENAULT DE OUED TLELAT, À ORAN. (CRÉDITS : SIDALI DJARBOUB / NEWPRESS ©)
Le gouvernement entend implanter une industrie automobile par tous les moyens et quel qu’en soit le coût. Le but stratégique est de limiter à terme l’importation des véhicules et de réduire la facture en devises.
Mais existe-t-il une vision à long terme pour cette industrie connue par être fortement compétitive ? Une industrie qui exige des technologies de pointe, une rigueur considérable dans les processus et les procédures, des mises à jour continuelles des processus de production et des politiques commerciales agressives.

Trois projets

Trois projets ont été lancés ces deux dernières années à l’Ouest du pays, région choisie pour les industries mécaniques : Renault, Hyundai et Volkswagen. Mais l’idée ne date pas de 2014. En 2008 déjà, Abdelhamid Temmar, alors ministre de l’Industrie et de Promotion des investissements, rêvait de créer une entreprise algérienne publique spécialisée dans l’industrie « avec l’aide de constructeurs asiatiques et européens ». M. Temmar avait engagé des négociations avec des partenaires européens pour la sous-traitance et l’équipement automobile. Des négociations qui n’ont jamais abouti et l’entreprise publique n’a pas été créée.

Des voitures aussi chères que celles importées

À l’époque, le constructeur français Renault avait refusé de venir investir en Algérie évoquant « une dégradation du climat des affaires ». Des années sont passées, Temmar est parti et Renault est venu en Algérie implanter une usine à Oued Tlélat à côté d’Oran.
Le climat est-il devenu plus respirable cinq ans après ?  Et surtout que produit Renault Algérie Production ? Des voitures aussi chères que celles importées ! Les consommateurs étaient surpris de découvrir, en 2014, que le prix de la Symbol, destinée uniquement au marché algérien, oscillait entre 1,22 de 1,28 millions de dinars.
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Le prix de la Symbol est actuellement, selon des sites spécialisés, situé entre 1,46 et 1,54 millions de dinars. « Le prix de la voiture Renault dépend du commerce algérien. Cela ne dépend pas de la direction du groupe qui est installée à Paris. Nous allons prendre du temps pour fixer un prix qui soit très attractif pour l’ensemble des consommateurs algériens. Ce que nous voulons est que les voitures fabriquées en Algérie soient une bonne nouvelle pour tout le monde, y compris les consommateurs », avait justifié Carlos Ghosn, PDG de Renault, lors de l’inauguration de l’usine, en novembre 2014.

« Je ne peux pas fixer le prix de cette voiture mais en comparaison avec une voiture importée présentant les mêmes qualités, on aura un prix inférieur », avait soutenu, pour sa part, Abdeslam Bouchouareb, ministre de l’Industrie et des Mines.

Le gouvernement a relancé le crédit à la consommation pour aider à l’écoulement rapide de la Symbol Made in Algeria. Par crainte de l’endettement des ménages, les pouvoirs publics avaient supprimé le crédit à la consommation en 2009. Le retour à ce crédit était une concession faite au constructeur français.

Cafouillage sur le taux d’intégration

Mais ce cadeau est-il justifié ? Fin novembre 2016, Renault Algérie a annoncé un taux d’intégration de 30% pour l’usine de Oued Tlelat où sont assemblées les deux voitures : la Renault Symbol et la Dacia Sandero. La société n’a pas donné les détails sur cette intégration se contentant d’évoquer, dans un communiqué, les pièces majeures comme « les sièges et les câblages ». Le nombre de « fournisseurs » algériens serait de cinq.
Mais Abdeslam Bouchouareb a annoncé, le 12 mars 2017, un autre chiffre. « L’usine Renault a dépassé un taux d’intégration de 20% alors qu’elle a démarré à moins de 10 », a-t-il indiqué. Alors deux questions : Renault Algérie a-t-il gonflé les chiffres sur l’intégration ? Ou le ministre est-il mal informé ?
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Dans l’accord-cadre, signé le 25 mai 2012, il était question que l’usine Renault mettra sur le marché des véhicules avec un taux d’intégration de 20 à 25% dans une première étape. Un taux qui devrait passer à 60% avec l’intégration des segments pneumatique et vitrage, dans une seconde étape.
Autre anomalie : avec un taux d’intégration de 30%, le prix des voitures qui sortent de l’usine de Oued Tlelat devrait être moins cher puisque les équipements fabriqués localement coûtent moins que ceux achetés en extérieur. Or, ce n’est pas du tout le cas. À quoi sert alors cette intégration ?
Renault Algérie élude complètement cette question. Il n’y a pas de statistiques précises sur les ventes des voitures produites localement. Renault soutient que la Symbol est « leader incontesté du marché ». La Sandero Stepway Extrême, arrivée sur le marché en août 2016, serait la troisième voiture la plus vendue en Algérie, selon Renault. Il n’existe cependant aucun organisme indépendant qui contrôle les chiffres de ventes des véhicules en Algérie, ni ceux de la production. Jouant sur la valeur de « la fierté », Renault Algérie a diffusé une vidéo de promotion pour annoncer que l’usine de Oued Tlelat emploie 800 salariés. La production de l’usine serait de presque 40.000 unités.
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Controverse autour de l’usine de Hyundai

Autre projet, l’usine de Hyundai de Tiaret de Tahkout Manufacturing Company (TMC) n’est qu’à ses débuts. Mais elle est déjà au cœur d’une controverse provoquée par des photos diffusées sur Facebook montrant des voitures presque complètement assemblées, importées de Corée du Sud et destinées à l’usine de Tiaret.
Selon Mahieddine Tahkout, l’usine produira, à plein régime, 60.000 unités. Le challenge, selon lui, est de mettre à la disposition des Algériens des voitures de 30 à 35% moins chères que celles importées. Autrement dit, faire mieux que Renault Algérie. Mais, il ne s’agit que de prévisions.
Le constructeur du Sud-Coréen n’est pas actionnaire dans le capital social de l’usine de Tiaret, détenue à 100% par Tahkout. Cela amène des questions sur la manière avec laquelle le ministère de l’Industrie valide les projets liés au montage de voitures.
Mahieddine Tahkout, qui est d’abord un transporteur et pas un industriel, a soutenu que le département de Abdeslam Bouchouareb a donné son ok pour le projet dans tous les aspects techniques. Reste une autre question : est-ce que Hyundai a choisi Mahieddine Tahkout comme partenaire ? Hyundai ne communique pas sur son projet de Tiaret. Une attitude curieuse.
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La première voiture Volkswagen algérienne en juin ?

Enfin, fin novembre 2016, le constructeur allemand Volkswagen, l’un des leaders mondiaux dans l’automobile, a signé un protocole d’accord avec le groupe privé Sovac pour l’implantation d’une usine de montage de véhicules à Relizane pour un investissement de 170 millions euros.
Théoriquement, la première voiture sortira d’usine fin juin 2017. La capacité de production durant la première année sera de 10.000 unités, soit 10% de la capacité globale. L’usine de Relizane n’atteindre son rythme de croisière qu’en 2022. Contrairement à Hyundai, Volkswagen a décidé d’être actionnaire dans son usine algérienne.
Globalement, les projets relatifs au montage de véhicules en Algérie sont entourés d’une certaine opacité qui n’aide pas à comprendre ce que veut exactement le gouvernement à travers ce type d’industries, surtout qu’il ne semble pas avoir une vision claire sur l’exportation vers le marché africain ou arabe, par exemple.
En résumé, les voitures montées en Algérie seront vendues en Algérie avec, au mieux, le même prix que celles importées. Qu’a donc gagné le consommateur algérien ? Et que gagne l’État algérien ? À long terme, l’économie algérienne sera-t-elle bénéficiaire avec des usines qui fonctionnent en grande partie grâce à l’importation d’équipements, de pièces de rechange et de savoir-faire ? Il n’y a pas de réponses pour l’instant.

4 Commentaires

  1. Il ne s’agit pas de manque de stratégie industrielle. L’échec de la loi sur les Hydrocarbures en 2006 (Suite à la menace de Chavez de révélations publiques] a conduit le clan des traitres à mettre en place une politique de destruction. On arrive aujourd’hui à un nouveau tournant: la remise en selle des traitres – Chakib Khelil Chef de gouvernement après les legislatives avec toutes les conséquences – ou la destruction déjà planifiée du pays par chute massive dfe la production d’hydrocarbures.
    La crise financière a dévoilé toute la stratégie des traitres qui ont décidé -avec la nominatioon d’Ould Keddour- de passer en force.
    Si avec toutes ses preuves le peuple ne se reveille pas, on prendrta RV avec l’enfer comme les irakiens, syriuen,s et libyens dès 2019. Les traitres ont déjà leur retraite à l’étranger toute prête et les papiers.

  2. Est-ce la faute au vulcanisateur de Boumerdes, ou l’analphabète trilingue d’Azzefoun si la stratégie industrielle de l’Algérie ne fonctionne pas ?

  3. Personnellement,mes méninges n’arrivent pas à gober et à comprendre,comment ça se fait quand les caisses de l’état étaient pleines;nos responsables politiques ne voulaient pas investir dans des plates formes de Montage Automobile(d’abord avec une intégration à minima)?!Pour qu’on puisse arriver,par la suite,à un taux d’intégration qui dépasserait les 50 pour cent,et ainsi jouer sur le prix final à la consommation,comme ça se fait dans certains pays qui ont les mêmes capacités que l’Algérie,peut être moindres.
    Que du temps perdu, il y a belle lurette!
    Quant à ces Marques Etrangères qui se bousculent au portillon,on peut les comprendre(ce n’est qu’une agressivité commerciale)pour conserver leurs parts du marché,jadis garanties par les concessionnaires sur place.
    Maintenant,après que les caisses de la Banque d’Algérie sont vides,nos responsables
    politiques voudraient attraper le loup par la queue!!
    Est-ce possible??
    Tout cela pour dire que nos Décideurs(et ce depuis l’indépendance)n’avaient aucune
    vision pragmatique et futuriste de tout ce qui concerne,de près ou de loin,les Usines de Montages Automobiles en Algérie,ce n’est ni par manque de compétences ni
    de capitaux,mais seulement, la volonté politique qui faisait défaut..
    Un ami me racontait,les déboires d’un Ingénieur Algérien, Spécialiste en Construction Mécanique,installé en Allemagne et qui a fait ses preuves chez différentes marques automobiles allemandes.Et,qui voulut faire comme Mr Toyoda Eiji ou Toyota (qui après ses études en Allemagne,décida après la 2eme guerre mondiale,de créer sa propre marque).
    Cet Algérien Ambitieux a pris contact avec les autorités de l’époque et l’ex.Sonacome,pour leur parler de son projet,au début des années 1980 à l’époque de
    l’AIV.Tout ça pour finir par être chassé Manu Militari du territoire national!!
    =====Quel gâchis? Pour Notre Beau Pays!
    =====Et Pour Combien de Temps Encore???
    par manque de compétences ni

  4. Fais semblant de produire et tu importera réellement!
    170 millions d’euros sont très très loin du compte pour créer une usine automobile encore moins pour une marque telle que Volkswagen….au demeurant c’est le chiffre exacte pour faire du tourne vis…somme toute « on ferme la porte, on rentre par les fenêtres »..on appelle ça de manière économiquement académique, mais détournée « la loi des débouchés », et qui semble adoptée par tous les constructeurs pour faire face au problème des quotas dans un marché, fort alléchant, il n’y a pas si longtemps (5 Milliards de dollars l’année).
    Cependant, mis à part les tahkout et compagnie, qu’est ce qu’on a à gagner, j’entend par là le consommateur, la collectivité, l’Etat….RIEN….nous sommes entrain de refaire la même erreur qu’avec le médicament (où l’essentiel de la production se limite à du « doliprane ») et avec l’Electroménager et l’histoire du skd (tourne-vis qui devait évoluer pour du ckd et mieux encore vers un un taux d’integration optimum).
    Cet électroménager importé démonté reviens plus cher que s’il était importé à l’état fini..des avantages fiscaux ont été octroyés et devaient être rentabilisés à moyen terme par plus d’integration et plus de valeur ajouté qui, faut le souligner,n’ont jamais été au rendez vous puisque altéré aussi bien par le manque de visibilité et de constance de nos pouvoirs publics que par le lobbying de ces pseudos industriel

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