Contestation citoyenne : la bataille médiatique perdue par le pouvoir algérien !

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Youcef l’Asnami

Dans une Algérie en ébullition, la bataille de la communication fait rage. D’une part celle menée par les citoyens anti-régime sur les réseaux sociaux au travers des dizaines de pages dédiées à la contestation populaire. D’autre part celle menée par le pouvoir en place sur les chaines TV et radios officielles appuyées parfois par certaines chaines privées dont les emblématiques Ennahar TV et Chourouk TV mais pas que.

Sur les réseaux sociaux, on trouve une profusion d’analyses, de commentaires sur ce qui se passe en Algérie. Le moindre événement relatif à la contestation est rapporté souvent en direct par des citoyens anonymes ou non. Des milliers de commentaires et de partage d’articles, de photos ou de vidéos dès lors qu’elles mettent en évidence la force de cette mobilisation citoyenne jamais connue depuis l’indépendance du pays tant par son importance que par sa durée. Sans parler des centaines de posts humoristiques relatifs aux tenants du pouvoir, principalement le Chef d’Etat-major de l’ANP, le Premier ministre et quelques ministres exposés en ces temps de troubles. Partage des faits mais aussi des émotions !

Bien évidemment, le principal motif de la contestation actuelle est le refus clair de la prochaine élection présidentielle et surtout des cinq candidats déclarés. Ce refus est largement justifié par nombre  d’observateurs qui estiment que les conditions actuelles ne permettent pas un déroulement serein de cette élection. Pour beaucoup, le citoyen algérien ne peut aller voter sous injection et une feuille de route du Chef d’Etat-major de l’ANP qui, pour certains, a outrepassé ses prérogatives pour décider de l’avenir du pays avec un gouvernement en place très contesté. Par ailleurs, les arrestations et la détention de dizaines d’opposants pour des motifs aussi farfelus qu’injustes ne contribuent pas à l’amélioration du climat de confiance indispensable à tout suffrage de cette importance.

Les déclarations – souvent folkloriques- des candidats à l’élection présidentielle sont rapportées, commentées, tournées en dérision et partagées par les internautes. Des dizaines de vidéos fleurissent sur facebook mais aussi twitter et youtube sur le passé de chacun des candidats, leurs contradictions,  leur opportunisme et leur accointance avec la « Issaba » qu’ils semblent dénoncer.

Le moindre déplacement des candidats est suivi et leur rejet par la population mis en évidence. Du coup, certains candidats se sont trouvés dans l’obligation de modifier le programme de leur campagne électorale, annulent des meetings programmés ou recomposent leur staff  sans donner la moindre explication quant aux tensions vécues dans leurs équipes.

Les journalistes – tous secteurs confondus – qui ont manifesté leur soutien à la contestation et qui ont critiqué la gestion par leur employeur de la crise que traverse l’Algérie en démissionnant ou en changeant de poste, sont largement médiatisés et bénéficient d’un extraordinaire élan de solidarité.

De même, les procès des détenus d’opinion sont longuement commentés par la dénonciation de la « justice du téléphone ».

Le rejet cette élection sur les réseaux sociaux comme dans l’espace public est massif. C’est le moins que l’on puisse dire.

Ce climat délétère est aggravé par la situation économique de l’Algérie où  tous les voyants seraient au rouge. Les dernières déclarations de l’actuel ministre des finances devant les élus de l’APN sont passées presque inaperçues, alors qu’il présentait un tableau noir de ce qui attend l’algérien l’an prochain c’est à-dire demain et ce, quelle que soit l’issue de l’élection, si elle a lieu.  La fonte spectaculaire de nos réserves de change – longtemps considérée comme la bouée de sauvetage du régime – suivie par la détérioration des marchés pétroliers et une augmentation des besoins sociaux des algériens notamment, fait creuser le déficit budgétaire de l’Etat qui disposera d’une marge de manœuvre très réduite pour tenir ses engagements vis-à-vis des citoyens. Les deux récentes lois – hydrocarbures et loi ses finances- ont été adoptées dans un hémicycle vide !

Face à cette incroyable mobilisation des citoyens sur les réseaux sociaux, le pouvoir peine à y faire face. Les journaux télévisés des médias officiels frisent le ridicule. Alors qu’ils ne disent mot sur les millions d’algériens qui manifestent les mardis et les vendredis, ils consacrent la moitié des JT aux quelques dizaines de manifestants pro-pouvoir qui défilent souvent dans des villes de l’intérieur du pays avec les mêmes slogans aussi creux que de mauvaise foi puisque très souvent ces manifestants clament leur soutien à l’armée et à l’unité du pays, comme si les « hirakistes » étaient contre. Une partie des derniers JT est consacrée aux déclarations de « Rab Dzair » quelles que soient leur banalité. Pire ! Il est même arrivé que le JT de l’ENTV détourne les manifestations anti-pouvoir et la transforme, par la magie de la caméra et du montage, en manifestation pro-gouvernementale.

Chaque soir, l’ENTV nous abreuve  d’images de citoyens réclamant la tenue des élections, leur soutien au chef d’Etat-major clamant toujours les mêmes slogans «  Djeich-Chaab, khawa khawa ». La répétition excessive de ces scènes, parfois à la limite de l’hystérie, est devenue risible tant ce média prouve son entière incapacité à communiquer sans tomber dans le ridicule et le loufoque.

Les quelques « observateurs » à la solde du régime sont invités régulièrement pour « expliquer » les enjeux de la prochaine élection, les « dangers » qui nous menacent et sensibiliser les citoyens sur le fait que cette élection est la seule issue de sortie de crise. Il n’y en a pas d’autres ! Kafkaïen !!!

Cette communication au rabais des medias officiels et de quelques chaines privées dénote de la panique qui semble régner en haut lieu. Le pouvoir sait l’importance de cette extraordinaire mobilisation qui reste pacifique malgré les menaces dont elle est l’objet. S’il peine à mener une contre-offensive médiatique sur les réseaux sociaux ou sur les médias sous son contrôle, c’est tout simplement faute d’arguments. 

Cette « bataille médiatique » interne entre les citoyens et le pouvoir va certainement s’accentuer à l’approche de la date de l’élection présidentielle prévue le 12 décembre prochain.

Pour l’instant et sans prendre le moindre risque, on peut affirmer que le pouvoir a déjà perdu cette bataille médiatique. Les réseaux sociaux – ce « cinquième pouvoir »- ont contribué grandement à la chute des dictatures et des régimes impopulaires beaucoup plus que tout autre média ! Le « quatrième pouvoir » est battu en brèche par ces réseaux ouverts à tous : aux puissants comme aux faibles, aux personnalités médiatiques comme aux anonymes. L’expression dans l’espace public n’est plus restreinte aux spécialistes. C’est cette donne que semble ignorer le pouvoir.  Il en payera le prix. Tôt ou tard !

1 COMMENTAIRE

  1. il y a deux mondes qui s affrontent ou plutot qui s opposent le systeme avec ses traditionnels gisements de subordinations qui rappellent parfois cette « culture maladroite et tente desesperement de s accrocher heritée des organisations de masses » et une representation sociale determinée a en finir avec la spoliation de ses droits ! le mode operatoir du systeme n a pas changé , toujours grotesque et maladroit jugez -en : il a fait appel au representant des fellahs le meme rentier de l unpa qui s est rassasié des nombreux credits des dispositifs de soutien et que l on efface regulierement pour lui permettre de faire du shooping lui et sa famille …il declare 4millions de fellahs une grosse couleuvre sensée produire PLUS DE 20 MILLIONS de tonnes de bles….unbenagoune a l age de la retraite qui pretend representer les etudiants …une vieille fille sans enfants qui se pretends etre presidente de l associationnationale des parents d eleves brefs tous les ingredients necessaires pour fair degouter les algeriens de l exercice de la politique…mais c est sans compter de cette formidable energie de cette jeunesse decidée et determinée a en finir avec cette gerontocratie qui leur a pris leurs avenirs en otage!

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