GUERRE DES CLANS, FUITES SUR LES RESEAUX SOCIAUX : LA FIN ANNONCEE D’UN SYSTEME ?

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Abbes Hamadene

Depuis l’indépendance en 1962, le pouvoir a dirigé le pays selon une logique qui ne vise à construire ni un État ni une économie sérieuse et digne de ce nom, mais qui obéit à un double objectif : établir une économie de rente au bénéfice des décideurs et de leurs réseaux clientélistes et marginaliser le peuple, le diviser et le réduire au silence par la répression et la propagande.

Sous le prétexte de la lutte contre des prétendus complots visant la stabilité et l’unité du pays, la police politique a toujours œuvré pour empêcher l’émergence de tout espace de discussion, d’échanges et de débat contradictoire générant ainsi une sécheresse démocratique et une dépolitisation rampante de la société.

Pour combler ce vide sidéral, le pouvoir a cherché continuellement à réduire la vie politique à un interminable spectacle autour de la lutte de clans mafieux (rumeurs, fuites organisées ou pas…).

Pour le pouvoir, il faut distraire le citoyen par toutes sortes de rumeurs et de vraies fausses informations pour occuper son esprit et l’empêcher de penser et de réfléchir.

La guerre des clans a toujours squatté l’espace public, elle n’est donc pas nouvelle, mais ces dernières années elle a atteint un niveau d’intensité impensable auparavant, comme peuvent l’illustrer l’arrestation de dizaines de généraux dont deux anciens responsables de la police politique (Bachir Tartag et Bouazza Ouacini).

LA GUERRE DES CLANS N’EST PAS NOUVELLE, ELLE EST CONSUBSTANTIELLE AU SYSTEME POLITIQUE.

La guerre des clans au sein du système n’est pas nouvelle, elle fait partie de son fonctionnement depuis 1962. Les enjeux de cette guerre sans fin ne sont ni idéologiques, ni politiques, elles concernent essentiellement le partage des postes stratégiques au sein de l’état, de la rente pétrolière et les chasses gardées commerciales.

La guerre des clans marquée par un cynisme absolu est faite de complots, d’intrigues et de trahisons. Le but recherché est de trouver un équilibre entre les différentes factions. Un équilibre précaire que vient fragiliser chaque crise politique ou économique.

Pour sortir de chaque crise, le pouvoir est contraint de chercher un nouvel équilibre en n’hésitant pas, au besoin, à sacrifier un de ses membres ou un groupe de ses membres.

LE RÔLE DU PRESIDENT DANS UNE DICTATURE MILITAIRE A FAÇADE CIVILE

Le président est investi par « les décideurs du moment » au sein de la hiérarchie militaire, il occupe le rôle de l’expression publique et le sommet de la façade civile.

Qu’il soit issu de l’institution militaire (Boumediene, Chadli, Zeroual) ou pas, le Président est tenu de porter le costume civil et ne jamais s’afficher en uniforme militaire.

Une pratique qui ne trompe plus personne sur la nature d’une dictature militaire qui ne s’assume pas.

De Ben Bella à Tebboune, chaque président désigné par le haut commandement militaire arrive avec les promesses vaseuses qui ne seront jamais tenues : rupture avec le passé, moralisation de la vie politique, lutte contre la corruption, être au service du peuple, assurer son bonheur, élever l’Algérie au rang des grandes puissances …

Chaque président cherche à présenter son règne comme une étape nouvelle, dissociée des autres étapes et de leur continuité historique. Il cherchera à faire oublier qu’elles appartiennent toutes au même système autoritaire en place depuis 1962.

Le pouvoir s’attèle à donner à chaque étape un habillage politique, pas toujours bien inspiré : « l’Algérie nouvelle » de Tebboune a succédé à « la Badissia novembaria » de Gaid Salah, qui, elle-même, a succédé à la « famille révolutionnaire »…

DE PLUS EN PLUS DIFFICILE POUR TROUVER UN PRESIDENT CONSENSUEL

Après la mort du dictateur Boumediene, les différents clans n’étaient pas arrivés à trouver un successeur consensuel, ce qui les a obligé à désigner le colonel Chadli Bendjedid sur la base d’un argument saugrenu, en sa qualité : « d’officier le plus ancien dans le rang le plus élevé ».

Ce genre d’arguments était courant dans les dictatures latino-américaines dans les années 1970. Ce n’est pas tant les qualités de tel ou tel général ou colonel qui importent, mais ce qu’il représente : la hiérarchie de l’institution militaire.

Depuis la démission forcée de Chadli, le 11 janvier 1992, les présidents qui lui ont succédé n’ont pas bénéficié d’un consensus large et solide de la part des clans du pouvoir, y compris Bouteflika.

En effet, après l’avoir installé à El Mouradia en 1999, les « clans » ne sont pas parvenus à s’entendre pour lui trouver un successeur, d’où sa reconduction au fil d’élections fabriquées, alors même qu’il était devenu aphasique et totalement inapte, physiquement et mentalement, à l’exercice de toute responsabilité, suite à un accident cardiovasculaire en 2013.

UNE AGGRAVATION DE LA LUTTE DES CLANS

Depuis l’avènement du Hirak, les rivalités féroces entre les clans apparaissent au grand jour. Sortie de l’ombre et des labyrinthes souterrains, la guerre des clans est devenue publique, bruyante et retentissante.

Arrestations, limogeages, règlements de comptes, fuites à l’étranger, trahisons, alliances et désalliances entre clans et factions sont devenus fréquents et connus de tous.

De façon régulière et discontinue, les révélations et condamnations se succèdent, elles semblent être le signe d’une aggravation de la guerre impitoyable que se livrent les généraux les plus influents au sein de l’armée.

Une guerre aux conséquences irrémédiables et irréparables pour le système. Vraisemblablement !

En outre, les échecs accumulés par le pouvoir sur les plans diplomatiques, économiques et politiques vont continuer à souffler sur les braises des rivalités et des règlements de comptes au sein du système.

C’est un système devenu totalement bloqué et déboussolé car ne pouvant offrir aucune perspective crédible.

Avec la prétendue « Algérie nouvelle » plutôt qu’à une recomposition, nous assistons à une décomposition d’un système politique archaïque et désuet.

LES FUITES D’INFORMATION : UN DANGER POUR LA PERENITE DU SYSTEME

La fuite d’information est définie comme une révélation non-autorisée d’information classifiée par le pouvoir ou relevant de la sphère privée des dirigeants ou de leurs représentants.

Les fuites divulguées ces dernières années dans les réseaux sociaux se multiplient et se propagent à une vitesse jamais atteinte.

Leur contenu concernent des domaines divers (dénonciations d’affaires de corruption, de trafics, de détournements, de liquidations physiques, de scandales liées à la vie privée…).

Ces fuites circulent sur les réseaux sociaux sous forme d’écoutes téléphoniques, de rapports, de documents et pièces à conviction.

Loin de viser la moralisation de la vie politique dans le pays, elles s’inscrivent essentiellement dans une logique de règlements de comptes entre groupes mafieux.

Ces fuites organisées n’auraient jamais été possibles sans la complicité d’éléments issus du sommet du sérail sécuritaire, cela prouve l’érosion de la discipline et l’effondrement de la culture du secret qui a toujours fait la force du système.

En effet, le système a traditionnellement travaillé dans le secret et l’opacité afin d’assurer un avantage sur tous ceux qui le contestent et de protéger les privilèges de ses représentants.

La culture du secret a pu faciliter les abus de tous genres en couvrant les pratiques les plus illicites (corruption, blanchiment d’argent, dilapidation des richesses du pays…).

Nous assistons donc ces dernières années à la plus ample circulation de l’information secrète, une situation sans précédent qui jette un discrédit total sur la dite puissance des services de renseignements et endommage gravement la crédibilité du pouvoir sur le plan international.

Le rejet humiliant des BRICS de la candidature de l’Algérie en est la dernière illustration.

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